À l’heure où j’écris ces lignes (5 janvier 2009), Kony est toujours en activité et en constant mouvement. Il brûle, viole et kidnappe aux quatre coins de la République Démocratique du Congo, en direction de la République
Centrafricaine, qui se trouve à la frontière nord du pays. Trois armées sont à ses trousses, travaillant en étroite collaboration pour le dépister. Mais revenons quelques années en arrière, pour passer en revue les événements qui ont mené au processus de paix en Ouganda.

En 1997, les Acholis sont forcés de quitter leurs terres pour s’installer dans les quelques 200 camps de Déplacés Internes dispersés dans le nord. Malgré la nécessité d’une présence militaire pour stabiliser la région, l’essentiel de l’armée nationale ougandaise est alors envoyée au Zaïre pour prendre part à un conflit au terme duquel ce pays sera rebaptisé  République Démocratique du Congo. L’Ouganda avait intérêt à détrôner Mobutu, le leader Zaïrois autrefois mis en place par la Belgique et la CIA, qui s’était par la suite montré tout à fait instable. Un an plus tard, les soldats ougandais interviennent à nouveau en R.D.C., mais cette fois-ci comme soutien des rebelles voulant chasser Laurent-Désiré Kabila, le nouveau chef d’État que l’Ouganda avait précédemment aidé à triompher !

soldat inconnu

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Pourquoi ce revirement de la part de Museveni ? Selon la Cour Pénale Internationale de La Haye, pour piller les ressources naturelles du Congo, tout simplement. En 2005, la C.P.I. accuse effectivement le président Ougandais d’utiliser la présence de ses troupes en R.D.C. pour se livrer à la contrebande de matières premières au Congo, au lieu de protéger son propre peuple des assauts de la L.R.A. (“Lord’s Resistance Army” ou Armée de Résistance du Seigneur). Mais en 1999, l’exploitation du pétrole soudanais change la donne. La Chine s’implante soudainement dans le Sud-Soudan, avec en renfort plusieurs dizaines de milliers de soldats pour protéger les pipe-line de PetroChina, le plus grand groupe pétrolier chinois. La frontière ougando-soudanaise, que les rebelles de la L.R.A. franchissent en toute liberté, doit être pacifiée à tout prix. Museveni choisit l’apaisement, en proposant l’amnistie aux quelques 4 000 combattants de la L.R.A. En 2000, la L.R.A. est divisée en deux factions : ceux qui acceptent les négociations avec le gouvernement, et ceux qui veulent continuer la lutte… Une lutte rendueplus difficile que jamais par la nouvelle coopération entre Ouganda et Soudan. La fin des hostilités semble proche.

Face à une L.R.A. apparemment affaiblie et divisée, Museveni lance l’opération « Poing de Fer », en mars 2002. L’offensive, d’une intensité inégalée, traverse tout le nord de l’Ouganda et pénètre même au Sud-Soudan. Mais loin d’être vaincue, la L.R.A. est au contraire galvanisée par l’attaque, et lance une contre-offensive sanglante. Des territoires jusque là épargnés par le conflit sont plongés dans la guerre. Les Déplacés Internes sont de plus en plus nombreux. Plus que jamais, le sang coule à flots. C’est pendant cette période que se déroule notre BD.

Novembre 2003.

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Alors que les yeux du monde sont braqués sur la guerre en Irak, Jan Egeland, secrétaire adjoint des Nations Unies en charge des Affaires Humanitaires, déclare : « Je ne connais pas d’autre région du monde qui connaisse actuellement une crise aussi grave que l’Ouganda ». Museveni demande à la Cour Pénale Internationale d’ouvrir une enquête sur Kony et d’autres chefs de la L.R.A., pour Crime contre l’Humanité. En mai, l’Ouganda retire les dernières de ses troupes de l’est de la République Démocratique du Congo pour les poster aussitôt en plein territoire Acholi. Les attaques régulières de la L.R.A. sur les camps de Déplacés, de plus en plus fréquentes, se soldent par un nombre incalculable de morts civiles. Le nord de l’Ouganda, désormais, est bel et bien « l’enfer sur Terre ». En octobre 2005, pour la première fois depuis sa création en 2002, la Cour Pénale Internationale délivre des mandats d’arrêt contre Kony et quatre de ses principaux lieutenants pour meurtre, viol, mutilation, esclavage sexuel et endoctrinement militaire forcé de mineurs. La guerre en Irak perd progressivement de son En juillet 2006, des pourparlers de paix débutent entre le gouvernement ougandais officiel et la L.R.A. à Djouba, capitale du Sud-Soudan. La L.R.A. est alors affaiblie par des années de guerre, et Kony, contraint de se cacher dans la brousse depuis 20 ans, est épuisé. Pendant les pourparlers, il apparaît plus sain d’esprit que jamais. En août, les deux parties acceptent un cessezle- feu provisoire. Le gouvernement ougandais crée des « camps-satellite », sortes de villages de substitution à proximité de terres agricoles, pour y reloger les Déplacés, dont le retour dans leurs habitations d’origine reste problématique en raison des innombrables terrains minés. Les négociations progressent par à-coups, rythmées par de régulières entorses au cessez-le-feu. En octobre 2007, alors que les pourparlers alternent un pas en avant et deux pas en arrière, on découvre que Konya assassiné son propre bras droit, Vincent Otti, l’un des cinq hommes dans le collimateur de la Cour Pénale. Kony affirme qu’Otti aurait été payé par des investisseurs étrangers pour le tuer. Les vieux signes de paranoïa de Kony semblent ressurgir…

Une brève histoire de l’ouganda 1/4
Une brève histoire de l’ouganda 2/4
Une brève histoire de l’ouganda 3/4
Une brève histoire de l’ouganda 4/4 

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