Juste après le Joker, le Pingouin est sans aucun doute l’ennemi le plus connu de Batman. Étonnamment, les deux super-vilains ne pourraient être plus à l’opposé l’un de l’autre.

Ventripotent et tiré à quatre épingles, le Pingouin utilise un vocabulaire parfois châtié et cherche avant tout le profit sans se complaire dans le chaos et l’excentricité comme le Clown Prince du Crime. Pour autant, tous deux partagent un objectif en commun : celui de prouver qu’ils sont plus malins que le détective masqué, Batman. C’est du moins ce qui motive le scélérat lors de ses premières apparitions en tant que braqueur à gimmick (ici les oiseaux) dans lesquelles, déjà, le Pingouin fait usage de ses parapluies piégés. Ceux-ci ont des utilités et fonctions diverses et variées : parapluie-mitrailleur, parapluie-hélicoptère, parapluie-électrifié, parapluie-pare-balles… À charge aux scénaristes qui se succèdent sur les épisodes de rivaliser d’ingéniosité avec le criminel. Au cours des années 1940, comme d’autres ennemis de Batman, le Pingouin passera du statut d’assassin à celui de simple malfrat : un adoucissement voulu par les responsables éditoriaux. Pour autant, cela ne suffira pas à empêcher une absence prolongée de 1956 à 1963, la période où se met en place le Comics Code, code de bonne conduite et d’autocensure créé après une campagne virulente de certains groupes de pression contre les comic books.

En 1964 avec « Complices de vol », que vous trouverez dans ces pages, le Pingouin fait sa première apparition au sein de la période « New Look » de Batman. Cette ère est marquée non seulement par un changement dans le style de dessin désormais plus réaliste et influencé par Carmine INFANTINO et non plus Bob KANE, mais également par la mise en chantier de la série télévisée BATMAN, avec Adam WEST dans le rôle principal, dont la première diffusion se fera en janvier 1966 et qui connaîtra un succès retentissant. Le rôle du Pingouin y est tenu avec un panache extraordinaire par Burgess MEREDITH, acteur vu chez Lewis MILESTONE (Des souris et des hommes, 1939), Ernst LUBITSCH (Illusions perdues, 1941), mais également connu pour son rôle de Mickey Goldmill, l’entraîneur dans la série de films Rocky. L’interprétation sans faille de MEREDITH fait mouche et l’on croirait le Pingouin tout droit jailli des pages des bandes dessinées, avec son monocle, son haut-de-forme et son porte-cigarettes. De plus, certains épisodes sont directement inspirés des comic books et l’intrigue de « Complices de vol » sera transposée dans les troisième et quatrième épisodes de la série TV (« Parade au parapluie » et « L’ombrelle à l’ombre » diffusés les 19 et 20 janvier 1966).Contrecoup de ce succès médiatique, les ventes de BD subissent une baisse notable après l’arrêt de la série. Mais le Pingouin est désormais bien implanté dans l’esprit des lecteurs et des spectateurs. Ainsi, quand Batman et Robin font des apparitions dans le dessin animé Scooby- Doo en 1972, ils croisent le chemin du Joker et du Pingouin, travaillant eux aussi en tandem. Ce duo improbable avait déjà vu le jour le temps d’un épisode de BATMAN #25 (1944) publié dans SUPER-VILAINS ANTHOLOGIE. Dans les comics, le Pingouin continue sa route entre méfaits grandioses et tentatives de neutraliser une fois pour toutes le Chevalier Noir et son partenaire Robin. Contrairement à d’autres supervilains de l’époque, son modus operandi ou sa personnalité ne connaissent pas de grands bouleversements. De plus, qu’il s’agisse de Dennis O’NEIL et Irv NOVICK dans BATMAN #257 (1974), ou de Steve ENGLEHART et Marshall ROGERS dans DETECTIVE COMICS #473 (1977), les auteurs jouent plutôt la carte de la nostalgie voire du pastiche, même si déjà, Doug MOENCH et Don NEWTON dans BATMAN #384 (1984) tentent de le rendre plus redoutable. Le Pingouin semble, en effet, être une relique d’une époque passée, plus enjouée et solaire : un temps où un Batman moins sombre évoluait de jour au volant de sa Batmobile, tandis que Robin enchaînait les jeux de mots impromptus. Même après les sorties successives de DARK KNIGHT RETURNS et BATMAN ANNÉE UN dans lesquels Frank MILLER trace le chemin à parcourir pour les auteurs qui le suivront, le Pingouin se trouve être le héros du charmant épisode « Les Tourtereaux » écrit par Max ALLAN COLLINS et dessiné par un Norm BREYFOGLE débutant sur le héros. Mais le responsable éditorial Denny O’NEIL tient néanmoins à ce que, comme les autres membres de la galerie des vilains de Batman, le Pingouin connaisse à son tour un tournant sombre et sinistre. Dans SECRET ORIGINS SPECIAL paru l’année de la sortie du film BATMAN de Tim BURTON en 1989, le scénariste Alan GRANT (épaulé par Sam KIETH) entame la métamorphose du Pingouin en un vicieux criminel traumatisé par une enfance au cours de laquelle il fut martyrisé et humilié par ses condisciples. Alan GRANT continuera avec un récit en deux parties, dessiné par Norm BREYFOGLE, avant de participer à la trilogie « l’Affaire du Pingouin » coécrite avec Marv WOLFMAN, célèbre pour sa recréation, avec George PÉREZ, des NEW TEEN TITANS et qui vient de présenter le nouvel aspirant Robin, Tim Drake, dans la saga « Les morts et les vivants » (voir UN DEUIL DANS LA FAMILLE, coll. DC Essentiels).

Ces épisodes replacent le Pingouin comme un ennemi à même de rivaliser avec un Batman plus dangereux et implacable et lorsque sort sur les écrans BATMAN, LE DÉFI de Tim BURTON en 1992, le Pingouin y tient le rôle central, incarné brillamment par Danny DeVITO, et on le voit faire équipe avec l’incroyable Catwoman, jouée par Michelle PFEIFFER. DC en profite alors pour publier un one shot écrit par John OSTRANDER, scénariste des titres SUICIDE SQUAD et HAWKWORLD, qui dévoile une autre facette du criminel : celui d’un manipulateur habile et sans pitié. Plus malin que d’autres ennemis du Chevalier Noir, le Pingouin parvient souvent à se racheter une conduite et à feindre de mener une vie rangée. C’est ainsi que le scénariste Chuck DIXON imagine dans les pages de DETECTIVE COMICS #683 et 684 qu’il devient propriétaire d’un casino, La Banquise, qui est en réalité une façade légale pour ses malversations. Dans ces pages, vous verrez que Doug MOENCH se figure que cette vie « honnête » pèse parfois sur les épaules du malfaiteur. Depuis, le Pingouin occupe une place de choix dans les parrains de la pègre de Gotham. Dans NO MAN’S LAND (6 tomes en coll. DC Classiques), on le voit diriger le marché noir souterrain. Puis, il reprend le contrôle d’une partie de la ville rénovée, s’attirant notamment les foudres de Batman après qu’il a abattu l’un de ses amis d’enfance,comme le racontent Ed BRUBAKER et Scott McDANIEL en fin d’album. Rusé et menaçant, le Pingouin est désormais un ennemi de choix à même d’offrir un défi imposant à la Bat-Family qui veille sur Gotham. Dans l’ère de la Renaissance DC (à partir de 2011), il lutte d’arrache-pied contre un prétendant à son « trône », l’EMPEREUR PINGOUIN (coll. DC Renaissance), et dans la série BATMAN TERRE-UN, on le retrouve en tant que maire de Gotham.

Enfin, alors que THE BATMAN du réalisateur Matt REEVES s’apprête à sortir, et que le justicier masqué est incarné cette fois par Robert PATTINSON, se dévoilent les premières images d’un nouveau Pingouin joué cette fois par Colin FARRELL. Preuve que malgré son apparence de gentilhomme, Oswald Chesterfield Cobblepot est bel et bien l’une des plus imposantes figures du Mal de l’univers de Batman.

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Découvrir Batman – One Bad Day : Le Pingouin

Autrefois, le Pingouin avait un empire. Alors au sommet de la pègre de Gotham, il avait institué des règles strictes, s’était imposé des limites. Mais pour certains, les limites sont faites pour être franchies. C’est en tout cas ainsi que résonnait Umbrella Man, avant de prendre à son maître tout ce qu’il avait et de répandre le chaos dans la ville. Cobblepot est aujourd’hui un homme brisé, frayant à travers les rues poisseuses de Gotham, un revolver à la main. Muni d’une unique balle, il a bien l’intention de réagir, car l’heure de la vengeance a sonné.

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