Jim LEE et Jeph Loeb se livrent sur leur collaboration pour Batman Silence ! Retour sur la sortie de Batman Silence, un comics qui a bouleversé l’univers de Batman ! Interview des deux auteurs autour de la petite bombe qu’est Batman Silence.
Fin février 2005, un samedi, très tôt le matin, Jim LEE et Jeph LOEB se sont livrés à une discussion via chat room pour évoquer leur collaboration sur Batman : Silence. C’est le responsable éditorial Bob GREENBERGER qui a endossé le rôle d’interviewer. Nombre d’aspects de l’intrigue de Silence sont évoqués dans la conversation, aussi conseillons-nous au lecteur de ne la consulter qu’après avoir terminé l’album.
BOB : Si vous êtes frais et dispos, on peut commencer.
JIM : Dispo, oui. Mais frais…?
JEPH : C’est vraiment bizarre de faire une interview dans une chat-room « privée ». On a accès à des webcams de strip-teaseuses, là-dedans ?
JIM : Attends, ça devrait pouvoir s’arranger.
JEPH : Ce Jim, il a réponse à tout…
JIM : Zut, j’ai paumé le Skype de Warren ELLIS.
BOB : Bon, je vous propose de commencer par la fin, puis de parler de ce qui vous plaira. Quel fut votre sentiment vis-à-vis de la réaction du public à la fin de SILENCE ?
JIM : Peut-on parler de fin ?
JEPH : Vous pouvez répéter la question ?
JIM : Sans rire, SILENCE n’est pas « fini »…
BOB : Je voulais dire que les lecteurs étaient divisés. Certains ont adoré le travail effectué sur Tommy et Double-Face, mais d’autres ont été déçus de voir Catwoman partir.
JIM : Ah, SILENCE la saga, pas le personnage… !
JEPH : D’accord. Eh bien nous avons produit une B.D. qui a bouleversé l’industrie. Tout le monde attendait le nouveau numéro de Batman, parfois pendant un an ! Attendez, non. Ils attendaient chaque mois. Nous n’avons
jamais été en retard d’un an.
BOB : Non, ça c’était CAMELOT 3000 #12.
JIM : Ah, il est sorti, finalement ?
BOB : Finalement.
JEPH : Enfin, quoiqu’il en soit, on aurait pu faire n’importe quoi, dire que « ce n’était qu’un rêve », dévoiler que
Silence était Superman, etc., et il y aurait toujours eu des lecteurs que ça aurait défrisé. Avec un retentissement
pareil, il est inévitable que le public soit divisé.
BOB : Chaque numéro, chaque rebondissement faisait parler de lui. Ça vous plaisait ?
JEPH : Il y a une chose que je risque de répéter sans arrêt pendant cette interview : nous n’avions aucune idée de
ce que les gens allaient penser.
JIM : Mais moi ça me plaisait de lire toutes leurs théories sur l’identité secrète de Silence.
BOB : Y a-t-il une réaction en particulier qui ait surpris l’un de vous ?
JEPH : C’est un mystère en 12 épisodes. Et chaque fois que j’ai écrit ce genre de choses (UN LONG HALLOWEEN, AMÈRE VICTOIRE), ma seule crainte, c’était qu’au troisième épisode, les lecteurs disent « en fait, je m’en fous, de résoudre le mystère ou pas ». Mais là, on avait une arme secrète. Les dessins de Jim sont quand même super jolis.
BOB : Tu l’as dit. Et ceux de Tim SALE aussi.
JEPH : Oui, mais à l’époque, Tim était en train de devenir l’illustrateur qu’il est aujourd’hui. Jim était déjà une star. Il n’avait jamais dessiné de mensuel pour DC, et ses exploits sur les X-Men datent d’un million d’années
(Jim est très vieux). Ses fans étaient en manque. Il a satisfait ce manque.
JIM : Et moi je trouve que tu as donné au lecteur de passionnantes fausses pistes.
BOB : En parlant de ces fausses pistes, celle de Jason Todd a fini par devenir réalité, en quelque sorte.
JEPH : J’ai toujours voulu utiliser Jason. Ce qui m’a fait peur, ce sont les lecteurs qui ont pensé à lui dès le deuxième numéro. Ils étaient forts, les bougres.
BOB : Et depuis, son retour avéré est au centre de nombreuses histoires de Batman. Tu l’as remis au goût du jour.
JIM : Étonnamment, et jusqu’à la fin, il y a peu de lecteurs qui ont deviné exactement le fin mot de l’histoire. Et ceux qui y sont parvenus l’ont fait parce qu’ils connaissaient bien la structure des histoires de détectives.
JEPH : Le problème avec les récits à énigme, c’est que le public est forcément plus malin que le détective. Ils ont tout vu, au ciné, à la télé, etc. En tant que premier lecteur, Jim m’a beaucoup aidé en m’indiquant ce qui lui paraissait trop évident.
BOB : Est-ce pour cela que tu aimes faire intervenir un grand nombre de méchants dans tes récits à énigmes ? Parce qu’ils sont autant de coupables possibles ?
JEPH : Oui, mais jamais au détriment de l’intrigue.
JIM : À la base, le concept n’était pas « tous contre Batman ».
JEPH : Mais il se trouve que j’avais Jim. Et quoique Jim puisse dire, je ne suis pas un idiot. Enfin voyons, imagine : Jim qui dessine le Joker, Jim qui dessine Catwoman…
JIM : Ce n’est qu’au bout de 6 numéros que je me suis rendu compte du nombre de méchants qu’il me collait
sur le râble. Eh oui, je ne suis pas une flèche…
JEPH : Ahah !
JIM : Mais en fait, c’était du gâteau. Et je n’ai jamais eu l’impression que c’était forcé. J’ai juste demandé une
scène où je pourrais dessiner Batman et Robin en patrouille sur les toits.
JEPH : Oh lui, hé. Il a demandé vachement plus de trucs !
BOB : Quoi, par exemple ?
JIM : Un massage tous les matins. Jeph s’est offert de le faire lui-même. Je n’ai pas insisté.
JEPH : Il voulait que les scénarios arrivent à l’heure. Tu vois comme il est exigeant ? Blague à part, les idées que Jim apportait enrichissaient l’ensemble.
BOB : Qu’a-t-il suggéré, au-delà des poursuites sur les toits ?
JEPH : Par exemple, il voulait dessiner une scène à l’opéra. C’est le genre de suggestion que j’adore.
JIM : Je lui ai fait des suggestions à la manière d’une mère assise à l’arrière de la voiture, qui critique la conduite de son fils.
JEPH : Je voulais qu’Harley Quinn fasse un casse, mais je n’avais pas décidé du décor. En y ajoutant l’idée de Jim, ça a donné une de mes scènes favorites.
BOB : La scène à l’opéra, c’est aussi l’occasion de belles séquences intimistes avec Tommy, Leslie et Selina.
JEPH : Et Jim l’a dessiné comme un dieu, cet opéra !
JIM : Oui, c’est un de ces cas où Jeph m’a carrément étonné par sa manière d’insérer ma suggestion dans l’intrigue sans effort. Je lui dis « Batman à l’Opéra », et il me pond cinq pages de Leslie… mais c’était bien.
JEPH : Rectification : tu m’as dit que tu voulais un épisode entier sur Leslie, et je l’ai réduit à cinq pages. Il n’arrêtait pas de demander plus d’Alfred, plus de Leslie. Il doit avoir des actions chez Polident.
JIM : Au stade des crayonnés, je mettais un string à Leslie. Mais c’est un secret, alors chut, ou plutôt silence, si j’ose dire.
JEPH : DC Direct a sorti une figurine de Leslie ?
JIM : Oui, dans la gamme n°7.
BOB : Avec son kit médical.
JIM : Et son string !
JEPH : Et son string. Voilà, Jim l’a tapé avant moi. C’est ça qui est effrayant, on finit les phrases l’un de l’autre. Ça nous est souvent arrivé, quand j’étais présent dans son studio de dessin…
JIM : Oui, j’avais besoin d’un modèle pour dessiner Leslie.
BOB : Qu’est-ce qui a été « coupé au montage », pour ainsi dire ?
JEPH : Nous n’avions pas le temps de couper quoi que ce soit. On fonçait comme un TGV.
JIM : Je n’ai pas le souvenir de scènes entières coupées. J’ai altéré certaines cases, en revanche. Je crois que certaines de ces cases originales sont présentes dans les bonus de l’album.
JEPH : J’ai écrit un scénario très précis. Je n’allais pas faire dessiner à Jim deux fois la même chose.
BOB : Est-il arrivé que vous renonciez à certaines idées faute de place ou de temps ?
JIM : Oui. J’avais pris de l’avance, mais la publication a fini par me rattraper. C’est là que j’ai vraiment ressenti
la pression d’une livraison mensuelle.
JEPH : Disons que nous avons modifié des choses. Jim est aussi un editor très flexible. Mais nous n’avons rien supprimé.
JIM : Il y a eu des moments où j’étais en manque de scénario… Je peux enfin évoquer ce souvenir pénible sans avoir de spasmes. Merci au Xanax et à mon psychanalyste.
JEPH : J’ai encore des cicatrices. Toi et ton fichu fouet à neuf queues !
BOB : C’était donc du vécu, tout ça…
JIM : Vous êtes glauques, les gars…
JEPH : Plus sérieusement, j’ai une anecdote authentique. Je venais de terminer le scénario du dernier épisode. Je l’envoie à Jim qui m’appelle aussitôt pour me dire que tout lui convient, à part les trois dernières pages. J’étais au pied du mur, mais le fait est qu’il avait raison. Dans cette dernière scène, je faisais intervenir Superman. Non seulement pour annoncer la prochaine sortie de la série Superman/Batman, mais parce que je voulais faire passer l’idée que même si tout le monde abandonne Batman, Superman sera toujours là pour lui. Mais pour Jim, c’est Catwoman qui devait être au centre de la dernière scène, car l’histoire d’amour est la pierre angulaire de notre histoire, et il fallait terminer là-dessus. Et il m’en a coûté de l’admettre, mais il avait raison. J’allais foirer les trois dernières pages ! Je ne savais plus où me mettre. Le résultat final est parfait, mais n’empêche que je te déteste, Jim.
BOB : Allons, allons, ça va passer.
JEPH : Ça passerait si on ne me le rappelait pas à chaque interview !
La suite à retrouver dans Batman Silence !

Batman Silence – Nouvelle édition 2025
Batman se retrouve assailli par tous ses ennemis, lorsqu’un mystérieux personnage qui dissimule son visage sous des bandelettes apparaît. Son nom ? Silence. Son but ? Harceler le justicier jusqu’à lui faire perdre raison. Catwoman saura-t-elle lui apporter l’aide et le réconfort dont il a cruellement besoin ?

Batman Silence 2 #158 + Coffret
Il y a des années, Batman et ses alliés ont soudainement été assaillis par tous leurs ennemis, jusque dans leur vie civile. Derrière cette attaque se cache un mystérieux adversaire masqué se faisant appeler Silence, directement lié à l’enfance de Bruce Wayne et connaissant tous les secrets de la Chauve-Souris. Alors que la menace semblait enterrée, Silence semble pourtant de retour, plus dangereux que jamais et décidé à mener sa guerre contre la bat-famille jusqu’au bout…
BATMAN SILENCE 2, la suite tant attendue du grand classique du Chevalier Noir, vingt ans après sa publication. Jeph LOEB (SUPERMAN FOR ALL SEASONS, BATMAN : UN LONG HALLOWEEN) et Jim LEE (JUSTICE LEAGUE, SUPERMAN POUR DEMAIN) reviennent pour raconter la suite de l’affrontement entre Batman et Silence dans une enquête épique et brutale qui marque une nouvelle étape majeure de la mythologie de l’Homme Chauve-Souris.