Conclusion: La L.R.A. en 2009, après l’échec du 2e processus de paix

Le 13 décembre 2008, après deux ans de négociations de paix compliquées et sans véritable résolution en vue, l’armée de l’air et l’artillerie ougandaise ont mené l’opération « lightning thunder », avec l’assistance de la R.D.C., du Soudan, et de l’AFRICOM (Commandement unifié des activités militaires et sécuritaires des États-unis sur le continent africain), qui fournit liaison satellite, renseignement et le budget du carburant. Avec l’autorisation de George W. Bush, des conseillers américains ont prêté leur expertise à l’opération.  l’attaque sur les camps de la l.R.A. (situés dans le parc national de Garamba, en R.D.C.) commença par la voie des airs, avec des hélicoptères-mitrailleurs et des jets MiG23. Ensuite, les troupes au sol furent déployées. On crut alors en avoir fini. Mais l’application du plan d’attaque fut bâclée : Kony et plusieurs fidèles ont survécu, et se sont enfoncés plus profondément dans le territoire congolais, s’approchant de la République Centrafricaine et s’éloignant de l’Ouganda… Depuis, la l.R.A. continue ses pratiques monstrueuses en R.D.C. En réponse à cette attaque, rien qu’en janvier 2009, les soldats de la l.R.A. auraient massacré plus de 900 personnes en R.D.C. et au Soudan, forcé 130 000 personne à quitter leurs foyers, et kidnappé des centaines d’enfants. Prenez le temps de réfléchir à ces chiffres.

Ils ne représentant qu’un mois. Alors que j’écris ces lignes, le nord de l’Ouganda est délivré de cette horreur, mais désormais, c’est la R.D.C. qui a hérité du parasite à échelle nationale qu’est Kony.

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Avec l’opération « lightning thunder », le président Musuveni a accompli un acte politique plutôt audacieux : attaquer un Kony qui se tenait peinard depuis quelque temps, ce qui ne manqua pas de déclencher un nouveau cycle de violence… Ni d’engendrer pas mal de protestations et de doutes, notamment sur l’immoralité d’une guerre menée contre des enfants-soldats (argument récurrent), mais aussi sur l’impatience du gouvernement ougandais par rapport au processus de paix. Ainsi, des commentateurs ont estimé qu’une négociation de paix aurait pu guérir les plaies sociales de l’Ouganda mieux que ne l’aurait fait une victoire militaire. Ceux qui ont soutenu l’opération, pour leur part, y voyaient une occasion unique de se débarrasser à jamais de Kony et ainsi d’arriver à une paix pérenne. la l.R.A, quant à elle, prétendit qu’une fois de plus, Museveni ne songeait qu’à profiter de la guerre pour piller les ressources de la R.D.C. les rebelles afrmèrent également que les soldats de l’Armée Nationale Ougandaise étaient responsables des massacres et atrocités qui leur étaient reprochés. Pour preuve de ce dont Museveni est capable, ils citèrent l’accusation de la C.P.I. (Cour Pénale Internationale) à l’encontre de Museveni pour ses actes de pillage pendant la guerre du Congo en 2005. Il est indéniable que Museveni, à maintes reprises, a ralenti le processus de paix et traité avec dédain le conflit avec la N.R.A. Il n’a pas consacré suffisamment de ressources militaires à la protection des Acholis et s’est comporté de façon très discutable envers les nations voisines. Mais il serait ridicule de prendre la parole de la N.R.A. pour argent comptant. leur modus operandi consiste à capturer et endoctriner des enfants, massacrer des innocents et terroriser la population. Autant d’activités qui les ont conduits, en 2009, à faire du camping au milieu d’un marais.

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C’est pendant cette période que la F.D.P.O. (Force de Défense du Peuple Ougandais, c’est-à-dire l’Armée Nationale d’Ouganda) a publié le communiqué suivant : « Bientôt, Kony n’aura plus de combattants avec lui. Il mourra de faim, sera capturé ou tué. » – Brigadier Patrick Kankiriho, Commandant des opérations de la F.D.P.O. Ce n’est pourtant pas ce qui s’est passé. la F.D.P.O., les Forces Armées de la R.D.C. (Congo) et les Forces de libération du Peuple Soudanais, soit trois armées entières, n’ont pas suf à neutraliser Kony malgré des moyens tactiques et matériels considérables. Après ce triple échec, les Nations unies, critiquées depuis longtemps pour leur mollesse dans le maintien de l’ordre en R.D.C., se décidèrent à agir. En mars, les soldats d’Ouganda et du Soudan furent rappelés hors des frontières congolaises, pour être supposément remplacés par une nouvelle compagnie militaire de l’O.N.u. le Conseil de Sécurité avait autorisé le déploiement de 3000 soldats, d’un hélicoptère d’attaque, de deux hélicos de transport, et de 1500 intervenants égyptiens issus de l’armée, de la police et des forces spéciales. les militaires congolais devaient travailler en conjonction avec ce détachement pour stabiliser la région et faire sortir Kony de sa cachette.  En plus de ça, les habitants de la région avaient leurspropres idées. les arrow boys d’Équatoria-Occidental (un état du Soudan), groupe d’auto-défense qui doit son nom à son usage d’armes traditionnelles (arc, flèches, javelots et gourdins) trempées dans du poison, se sont déclarés prêts à combattre l’ougandais Kony jusqu’à la mort et lui envoyèrent un message l’intimant de se rendre avant qu’ils ne se mettent en marche. Depuis cette déclaration, ils ont tué plusieurs soldats de la l.R.A.   Mais au long terme, ni ces initiatives régionales, ni l’action de l’O.N.U. n’aura servi. En octobre 2009, un rapport des Nations unies faisait état de 400 000 personnes déplacées dans cette région isolée du nord de la R.D.C., contraintes à quitter leurs foyers par crainte d’attaques des rebelles. Pour restaurer ses troupes, Kony a recommencé à pratiquer le kidnapping de masse : des centaines d’enfants ont été enrôlés de force, comme soldats ou comme « épouses ». le monstrueux mécanisme qu’est la l.R.A. fonctionne de nouveau à plein régime. les mutilations à la machette se multiplient, les enfants sont forcés de tuer leurs propres parents, et l’on brûle les gens dans leurs propres maisons. Selon certains rapports, les routes du nord de la R.D.C. sont si peu sûres que le transport aérien est la seule option possible pour acheminer matériel et effectifs.

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Des villes telles que Gangala et Banda sont gorgées de populations déplacées, car des dizaines de milliers de personnes ont dû quitter les champs et les villages. Et les combattants de la l.R.A. ne sévissent pas qu’au Congo. Plus d’un millier d’entre eux, qui opèrent en République Centrafricaine, menés par Kony lui-même, se déplacent en direction du nord. Impossible pour le moment de dire s’il s’agit là d’une retraite ou d’une manœuvre stratégique. Pour attaquer le groupe de Kony, les forces spéciales ougandaises se servent d’hélicoptères basés à Yambio, dans le Soudan du Sud. Il est possible que Kony essaie de s’allier aux Janjawids du Darfour. Il est intéressant de constater que désormais, la l.R.A. n’est plus un groupe rebelle exclusivement ougandais, de langue luo (ou Acholi). Ils se sont internationalisés. Des témoignages rapportent que l’arabe et d’autres langues sont désormais parlées dans leurs rangs, puisque Kony et ses sous-fifres ont enrôlé de force en République Centrafricaine, au Congo et au Soudan du Sud.

Ce qui nous mène à une nouvelle question : quel est exactement l’objectif de Kony, aujourd’hui ? Depuis l’année dernière (texte écrit en 2009 – NDt), sa prétendue « lutte contre le tyran Museveni » n’a plus aucun sens. Il est désormais le leader d’une organisation terroriste panafricaine sans direction idéologique. les actes de son organisation n’ont plus de fondements politiques « légitimes ». Ce n’est qu’un criminel en fuite. un homme pourchassé. Seules la peur et la colère le poussent à répéter les mêmes exactions, encore et encore. Sorte d’Hitler sans le faste impérial, il passera le reste de sa vie à frapper, fulminer, hurler, et imposer son enfer personnel à chaque communauté qui aura le malheur de croiser sa route et celle de ses sbires. Oui, la souffrance continue, elle a juste changé de territoire. Désormais, ce sont les Congolais, les Soudanais et les Centrafricains qui doivent composer avec la folie de Kony. Mais pendant ce temps, qu’arrive-t-il aux héros de notre histoire, les Acholis ? Eh bien, ils rebâtissent leur vie, leur monde. l’après-guerre amène son cortège de banques, d’hôtels et de touristes. À quoi ressembleront les Acholis de demain ? Que restera-t-il de leur culture ? Nul ne le sait. Mais s’ils réussissent le virage de la modernité, peut-être y aura-t-il, pour la première fois depuis des décennies, une génération d’Acholis libres qui ne connaîtra pas les horreurs de la guerre ?

Joshua Dysart
27 novembre 2009

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