Mieux vaut lui, que vous ! Il prend votre place. On vous assassine. Il meurt. Vous vivez. Découvrez la nouvelle exploration psychologique de Tom KING : Human Target en librairie !

Dans le creuset bouillonnant de la pop culture, il en va des idées comme de la matière : rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. Une (al)chimie des métamorphoses à laquelle peu de personnages de comics se prêtent aussi bien que Christopher Chance, alias la Cible Humaine, héros aux mille visages, aux milles vieset aux mille morts. Car à l’instar de ce garde du corps hors norme, capable de prendre l’apparence de ses clients menacés pour mieux démasquer leurs assassins, l’existence éditoriale du “Human Target” est marquée par un singulier cycle d’éclipses et de résurrections IL S’APPELLE CHANCE…
À la fin des années 1960, les « Big Two » que sont Marvel et DC renouvellent leurs équipes en piochant dans la nouvelle génération d’auteurs issus du fanzinat, lui-même fruit de la révolution contreculturelle en cours. Parmi ces jeunes recrues, le scénariste Len WEIN affiche un talent prometteur, que viendront confirmer par la suite ses nombreuses et emblématiques créations.

En 1968, alors que DC est en quête d’un personnage de détective pour ses backups (des récits bouche-trous permettant de boucler la pagination d’un titre), WEIN soumet l’idée d’un privé nommé Johnny Double, maître du déguisement et « double » de ses clients, c’est-à-dire capable de les incarner le temps de l’enquête, quitte à devenir une « Cible Humaine » pour leurs ennemis.

Si ce dernier aspect n’emporte pas l’enthousiasme de l’éditeur Dick GIORDANO, Johnny Double intégrera malgré tout l’écurie des personnages DC, en tant que simple détective et futur personnage secondaire de WONDER WOMAN.

WEIN, pourtant, n’en démord pas : le concept de Cible Humaine peut fonctionner. Il récidive donc quatre ans plus tard et parvient à convaincre Carmine INFANTINO, pilier de l’Âge d’Argent devenu rédacteur-en-chef chez DC, de retourner à sa table à dessin le temps d’un récit backup. Voici comment, en décembre 1972, au détour du #419 de Action Comics et sur dix petites pages, paraît la toute première aventure de…

… CHRISTOPHER CHANCE !

Un sémillant playboy d’âge mûr, aux tempes poivre et sel et vêtu d’un élégant smoking, savoure un Mouton Rothschild 1929. Soudain paraît derrière lui l’ombre d’un tueur armé. Notre héros pivote alors en direction du lecteur, dégaine son revolver et abat l’assassin d’un geste vif et assuré, pour aussitôt se resservir un verre de vin. L’ambiance est posée, les références assumées – vous avez dit James Bond ? Lors de cette première mission, Christopher Chance est engagé par le sous-fifre d’un P.D.G. pour incarner son patron menacé, sur fond d’espionnage industriel.

Après une séquence de métamorphose voyant notre héros incarner à la perfection la potentielle victime, il essuie une tentative d’assassinat et finit par expédier le coupable au terme d’une course-poursuite menée tambour battant, s’aidant de ses réflexes d’acier et de divers gadgets. Ainsi établie, la formule imparable imaginée par WEIN ne changera pas (à quelques détails près) d’un iota tout au long de la vingtaine de récits formant la première vie éditoriale du personnage, disséminée une grosse dizaine d’années durant entre les pages d’Action Comics, de The Brave and the Bold et de Detective Comics.

Si la référence cinématographique à Bond saute aux yeux, THE HUMAN TARGET doit surtout se considérer comme une synthèse des figures héroïques dominantes de la culture occidentale des débuts 1970, alors travaillée par trois avatars complémentaires issus de la littérature, des magazines pulps et des comics : l’espion, le détective et le super-héros. Il n’est bien évidemment pas le premier à opérer cette jonction, Batman s’imposant chez DC comme le parangon de cet héroïsme tricéphale – et Chance, en tant que riche playboy célibataire, mi enquêteur, mi justicier, expert en arts martiaux et affublé d’un simili majordome nommé Luigi, renvoie immanquablement à Bruce Wayne. Mais d’autres inspirations, conscientes ou non, peuvent se déceler, à commencer par Nick Fury, auquel INFANTINO emprunte peut-être la coiffure caractéristique de Chance, ainsi que la longue tradition des « maîtres du déguisement ».

BAS LES MASQUES !
Car c’est dans le rapport de son héros à la métamorphose, physique, vocale et même mentale que WEIN propose une réelle innovation. Certes, la thématique du déguisement est indissociable de l’héroïsme pop culturel, au moins depuis Sherlock Holmes ou Fantômas, mais elle atteint au début des années 1970 une sorte de masse critique où, du Rollin Hand de Mission impossible à Batman en passant par Scooby-Doo, pas une semaine ne passe sans que le lecteur ou téléspectateur ne soit confronté à la séquence d’une peau synthétique ou d’un masque qu’on arrache pour révéler le héros victorieux ou l’ennemi vaincu. Si cette capacité de transformation, sinon d’ubiquité, constitue l’un des nombreux accessoires de l’enquêteur-espion tel qu’on le conçoit alors, elle devient la caractéristique première de Christopher Chance, au point de distinguer suffisamment le personnage pour lui permettre de retrouver une seconde vie… sur le petit écran, cette fois-ci.

C’est en juillet 1992 que la chaîne ABC diffuse le pilote de HUMAN TARGET, série télé produite par Warner Bros, elle-même société-mère de DC Comics depuis 1969. Objectivement ratée, au mieux nanardesque, la série met en scène dans le rôle-titre un Rick SPRINGFIELD, chanteur et acteur australien, au charisme manifestement coupé au montage. Outre les motifs centraux tirés des comics, la production ressent par ailleurs le besoin d’adjoindre à Chance trois acolytes (un concepteur de gadgets, un spécialiste des masques, un pilote) ainsi qu’un… avion furtif ultra-moderne répondant au doux nom de Blackwing ! Une manière, sans doute, de chasser sur les terres de Mission impossible (l’équipe aux atouts complémentaires), des séries de justiciers reaganiens (type Equalizer ou Supercopter) ou encore de Code Quantum (Chance aidant à tirer ses clients de situations décisives en les incarnant).

Le succès n’étant pas au rendez-vous, la série ne connaîtra qu’une seule saison, et le personnage disparaît à nouveau dans les limbes. Il lui faudra attendre la fin de la décennie pour retrouver les faveurs du lectorat comics, le temps d’un retour en grâce aux allures de renaissance.

La suite dans l’album Human Target !

Maxime LeDain

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Découvrez Human Target

La réputation de Christopher Chance n’est plus à faire. Il a gagné sa vie en devenant une cible vivante professionnelle, un homme engagé pour endosser l’apparence et la psychologie de ses clients afin d’inviter les assassins potentiels à tenter de le tuer. Un parcours remarquable… jusqu’à sa dernière mission en date, la protection de Lex Luthor, au cours de laquelle les choses ont dérapé. Une tentative d’assassinat que Chance n’a pas vu venir le rend vulnérable et l’oblige à essayer de résoudre son propre meurtre. Il a 12 jours pour découvrir qui, dans l’univers DC, haïssait Luthor au point de vouloir le tuer via un poison à action lente. Et les principaux suspects sont… la Ligue de Justice Internationale !

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