John Paul Leon fait partie de ces artistes qui accompagnent le parcours du lecteur, le balise, et parfois marque un cap passé, comme un refuge vers lequel retourner en cas de doute.

Un refuge plus qu’un phare.

Contrairement au phare qui vous apparaît comme une évidence, le refuge doit d’abord se chercher, se trouver. Il est un secret parfois bien gardé, seulement accessible après une longue marche. Des périples souvent débutés aux premières lueurs de l’aube pour s’achever à des heures noires comme l’encre.

Cette encre noire, sous les pinceaux et les feutres de JPL, devenait une source de lumière qui jetait sur ses décors une gravité, une élégance et, par la profusion des détails dont il pouvait tapisser certaines scènes d’intérieurs, une proximité et une chaleur exceptionnelle. Il avait fait du noir son territoire et son principal outil.

Lorsqu’on associait un peu rapidement son travail aux grands maîtres du clair-obscur comme Le Caravage ou Rembrandt, il nous redirigeait volontiers vers la lumière et les couleurs de Van Gogh. Il ajoutait même à son sujet que, contrairement à son image de peintre tourmenté et sauvage, il lui trouvait une précision et un ordre peu commun, pour peu que vous vous regardiez attentivement sa peinture. Il évoquait ensuite avec enthousiasme le mouvement et la vie des peintures de Lucian Freud ou de Richard Diebenkorn.

Ordre et mouvement, comme une équation à laquelle John Paul apportait dans chacune de ses planches une possible solution. Une tension, ou un duel, qui lui permettait d’inscrire dans les décors les plus minéraux, ou les plus métalliques, la présence d’une vie vers laquelle votre regard se dirigeait naturellement. 

Puis est venue la couleur.

Avec Batman Créature de la nuit, il avait assuré (et c’est peu de le dire) pour la première fois la mise en couleur d’un album complet. Celui que l’on connaissait pour sculpter dans le charbon le plus opaque les plus beaux joyaux s’est révélé aussi doué avec les masses de noirs qu’avec la lumière et ses couleurs.

Lorsqu’on lui posait la question des maîtres qui l’avait inspiré, Alex Toth était le premier nom qu’il mentionnait. « Alex Toth. Pour l’économie de sa narration, la fausse simplicité de son trait et la beauté dramatique de la construction de ses planches. Pas un seul trait n’est perdu. Il y a, dans les meilleurs travaux d’Alex Toth, une fusion de tout ce qui peut être intellectuel, émotionnel et physique dans le dessin, la narration et le design. L’équilibre de toutes ces forces délivre une énergie qui s’étend au-delà des besoins même du scénario. Vous pourriez regarder ses planches à l’envers qu’elles garderaient toute leur puissance et leur beauté. »

Alex Toth ou la définition même de l’artist’s artist.

Artist’s artist. Une révérence. Presque une malédiction pour ces « inspirateurs professionnels », ces créateurs dont certains penseront qu’ils ont raté leur rencontre avec le grand public. Je ne pense pas que le succès était quelque chose qui conditionnait le travail de JP. J’espère cependant qu’il avait conscience de l’aura qu’il avait auprès de ses pairs.

Évoquer le nom de JPL parmi une assemblée de professionnels, c’était s’assurer le respect, l’approbation, le hochement de tête qui vous inclus, comme une poignée de mains secrète entre initiés. Sans doute est-il trop tard, mais si JPL était le secret le mieux gardé de l’industrie, il est temps aujourd’hui d’en briser le sceau et de lui rendre un hommage vibrant, bruyant et lumineux.

Aussi, si vous ne connaissiez pas le travail de John Paul Leon, comptez sur nous pour baliser ce parcours qui vous permettra de découvrir l’œuvre d’un auteur exceptionnel.

 

François,

Directeur éditorial Urban Comics

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