En 1987, la sortie de la maxi-série en douze épisodes WATCHMEN écrite par Alan MOORE et Dave GIBBONS résonne comme un coup de tonnerre dans le ciel déjà ombragé des comics des années 1980.

Dans cette période de grands bouleversements pour l’industrie et de frénésie créatrice, cette uchronie dans laquelle un justicier nommé Rorschach enquête sur la mort d’un autre aventurier masqué, le Comédien, symbolise à elle seule un tournant dans le traitement des superhéros. En effet, dans l’univers de WATCHMEN, le cours de l’Histoire a été modifié par le Docteur Manhattan, seul surhomme de la planète aux pouvoirs incommensurables : c’est grâce à lui que l’Amérique a gagné la guerre du Viêt Nam et que, désormais, dans ce 1985 parallèle, les États-Unis et l’U.R.S.S. se trouvent au bord d’une guerre nucléaire totale. Il faut toute l’intelligence d’Adrian Veidt, l’ancien justicier masqué Ozymandias, pour parvenir à une mascarade impliquant une fausse attaque extraterrestre sur New York et ainsi offrir au monde une menace commune face à laquelle s’unir. Au cours de cette machination, les anciens héros costumés comme le Hibou, le Spectre Soyeux et Rorschach auront vu leurs illusions et leurs certitudes voler en éclats… tout comme celles que les lecteurs avaient concernant les super-héros. Car WATCHMEN va également engager le comics américain dans une période de cynisme et de discours réflexif sur son industrie. Les super-héros vont devenir plus brutaux, les scénarios plus complexes et les allusions aux problèmes sociaux et politiques plus directes. Mais cette poussée vers un réalisme plus aiguë va également enlever une part de merveilleux et de ce qui faisait la particularité des super-héros, notamment ceux de DC Comics : des métaphores sur l’espoir, les rêves et l’imaginaire du lectorat. À la même époque que WATCHMEN, l’éditeur vient de relancer la plupart de ses grands héros après le bouleversement qu’a représenté CRISIS ON INFINITE EARTHS, autre maxi-série de douze épisodes réalisée, elle, par Marv WOLFMAN et George PÉREZ. Au terme de cette bande dessinée, l’Univers DC de fiction est modifié et le passé de ses héros également. Ce sera le début de plusieurs réécritures de l’histoire de ces personnages, dont la plus récente n’est autre que FLASHPOINT, écrit par Geoff JOHNS et dessiné par Andy KUBERT.

C’est ce même Geoff JOHNS que l’on retrouve aujourd’hui au scénario de DOOMSDAY CLOCK,dessiné par son collaborateur fréquent Gary FRANK. Ensemble, ils reviennent sur les changements qui ont bouleversé l’Univers DC depuis FLASHPOINT : dans l’album DC UNIVERS REBIRTH, les auteurs avaient déjà révélé que l’être qui avait instigué ces modifications n’était autre que le Docteur Manhattan.
Aujourd’hui, Geoff JOHNS révèle les raisons de ces actions et élabore un conflit entre ce « Dieu » issu de la science et Superman, le premier des super-héros, modèle sur lequel s’est fondée toute une industrie. En concevant un duel entre un personnage de réflexion et un autre d’action, JOHNS établit un constat sur les limites et les opportunités d’un médium qui offre autant la possibilité au lecteur de s’évader de la triste réalité que de la confronter sur certains aspects. JOHNS s’en explique dans les pages de DC NATION : « L’Univers DC se confronte à l’héritage qu’a engendré WATCHMEN de la même manière que WATCHMEN se confrontait à son époque à l’héritage des bandes dessinées de super-héros (…) d’un point de vue thématique autant que métaphorique, je ne pouvais utiliser un meilleur personnage que le Docteur Manhattan. Pour illustrer un combat entre le pessimisme et l’optimisme, entre les forces de l’espoir et celles de la désillusion, il vous faut le personnage qui symbolise le plus le cynisme qui s’est inséré dans nos coeurs et qui a pu affecter tout l’Univers DC. »

Au-delà des nombreuses références graphiques et littéraires à WATCHMEN qui parsèment l’ouvrage – le découpage des planches en gaufrier, les taches de Rorschach en sirop de pancakes, la tache de sang sur le symbole de Superman en lieu et place du smiley, l’atmosphère de fin du monde et la présence d’un complot contre les héros –, c’est aussi pour JOHNS et FRANK le moyen de réincorporer dans l’Univers DC des concepts et héros disparus avec FLASHPOINT : au premier rang desquels la Société de Justice, qui a inauguré le concept de groupe de super-héros et qui fait ici un retour triomphal. Et, au-delà des clins d’oeil et du jeu avec la continuité de cet univers se trouve au sein des pages de cet album la plus belle des lettres d’amour au plus grand des super-héros, Superman, et à ce qu’il représente.

doomsday-clock

Découvrir Doomsday Clock

Il y a trente ans, sur une Terre où le cours de l’Histoire a évolué de manière bien différente, un justicier milliardaire nommé Ozymandias a tenté de sauver l’humanité d’une guerre nucléaire imminente en concevant une machination effroyable… et réussit. Mais, ses plans ayant été révélés, ce dernier dut prendre la fuite et tente à présent de retrouver le seul être capable de restaurer un équilibre sur sa planète : le Dr Manhattan, surhomme omnipotent. Un seul problème s’offre à lui : le Dr Manhattan a quitté sa dimension pour visiter celle de la Ligue de Justice et interférer avec le cours des événements, manipulant à leur insu les héros de cet univers. Mais pour Ozymandias, ce défi n’est qu’un obstacle de plus dans sa quête d’une paix éternelle pour son monde et ses habitants : résolu, il décide de franchir la barrière entre les dimensions quitte à y affronter ces métahumains.

Découvrir

 

Plus d'articles