Batman, héros iconique de l’univers DC, a bien entendu fait l’objet de bon nombre d’albums. Frank Miller, Scott Snyder, Tom King… et dernièrement James Tynion IV se sont tous essayé aux intrigues du Chevalier Noir. Pour ne pas se perdre dans ce 5e tome de Batman Dark City, on vous propose un petit retour sur ces genèses de la lutte entre Batman et le Joker.
Avec ce cinquième tome de BATMAN DARK CITY, le scénariste Chip ZDARSKY s’approche de la fin de sa première arche narrative au volant de la Batmobile. Cinquième tome… ou sixième ? Dans BATMAN – THE KNIGHT, le scénariste livrait en effet sa version des années de formation de Bruce Wayne, ce qui fait de ce récit complet illustré par Carmine DI GIANDOMENICO (oui, celui de Dylan Dog !) une sorte de tome 0 de la présente série. (Signalons pour l’anecdote que ce périple du jeune Bruce avait précédemment été évoqué par Sam HAMM dans BATMAN CHRONICLES 1989 volume 3, avec au dessin Denys COWAN, également illustrateur du dernier chapitre du présent album.)
Comme ses prédécesseurs, ZDARSKY laisse donc sa marque sur la genèse de Batman et de son ennemi juré, le Joker. Dans BATMAN : ANNÉE UN, Frank MILLER avait épicé le concept de Catwoman et épaissi le cheptel de personnages secondaires. Dans BATMAN : L’AN ZÉRO, SNYDER livrait sa propre version des débuts du Joker, et intégrait rétroactivement un allié de longue date de la Chauve-Souris, le futur Signal. BATMAN REBIRTH, de Tom KING, faisait de « La guerre des rires et des énigmes » une des batailles fondamentales du jeune Batman. Et dans BATMAN INFINITE et BATMAN JOKER WAR, James TYNION IV nous apprenait que le jeune Bruce avait eu un condisciple dans son apprentissage du super-héroïsme, le surdoué et psychopathe borderline Ghost-Maker.
Les principaux apports de ZDARSKY à la légende secrète du jeune Bruce sont les suivants : Lucie Chesson, la voleuse française qui lui fit tourner la tête malgré leur différence d’âge, et le génial spécialiste du cerveau Daniel Captio, qui lui enseigna comment manipuler son propre esprit. Pour le reste, le scénariste intègre volontiers des éléments créés par ses collègues, comme le très récent Ghost-Killer de TYNION, ou l’idée de faire de Ra’s al Ghul un des mentors du jeune Bruce, concept popularisé par la trilogie cinématographique de Christopher NOLAN.
Toutefois, en ajoutant sa création, Daniel Captio, à la longue liste des accoucheurs de la Chauve-Souris, ZDARSKY se permet de remodeler avec audace les origines du héros, donnant ainsi un nouveau sens à toute la geste batmanienne. L’on découvre ainsi qu’en les formant tous deux, le mystérieux, insensible et diaboliquement roué Captio a indirectement mis en scène la longue lutte entre Batman et le Joker.
Mais tout en se permettant ce coup de filet, faisant de son personnage tout neuf l’architecte d’un pan entier de la mythologie DC, ZDARSKY n’oublie pas pour autant d’intégrer les apports de ses prédécesseurs. Le Joker de KILLING JOKE est bien là, discernable parmi les personnalités que le Clown Prince du Crime s’est fabriqué avec l’aide du redoutable Captio. Le chef de gang nihiliste de SNYDER aussi. Tout comme celui qui priva naguère Bruce Wayne de sa fortune. ZDARSKY bâtit sur les fondations sans les écraser.
Ainsi, il n’est pas étonnant que l’un des personnages principaux de BATMAN DARK CITY soit le Batman de Zur-en-Arrh, emblème du run d’un ex-bat-scénariste de renom, Grant MORRISON. Maître des destinées de Batman pendant sept ans, à travers plusieurs séries, l’auteur écossais s’était notamment fixé comme but d’intégrer à l’existence du Batman moderne les éléments les plus naïfs et décalés de son prédécesseur des âges d’Or et d’Argent des comics.
Ainsi naquit Batman Incorporated, équivalent des « Batmen de toutes les nations » au XXIe siècle, et bien sûr… Zur-en-Arrh, interprétation psychanalytique du « Super-Batman » imaginé par Ed HERRON et Dick SPRANG en 1958. ZDARSKY, comme KING avant lui lorsqu’il retraçait les étapes de l’histoire d’amour entre Bat et Cat, s’inscrit dans la lignée de MORRISON. Pour lui, une des missions d’un Bat-scénariste, c’est de communiquer l’idée que toutes les aventures de Batman parues pendant les 85 ans d’existence de la franchise comptent, d’une certaine façon, même s’il faut pour cela les changer en délire ou rêve fiévreux.
Difficile cependant de relever pareil défi quand on a pour héros un Batman à l’âge perpétuellement bloqué entre 30 et 40 ans, comme le veut la tradition chez les grands éditeurs de comics de super-héros. Pourtant, dans cet album, ZDARSKY va s’approcher du tabou ultime en mettant Batman face à sa propre mort, son propre vieillissement. Et en rangeant les jouets qu’il a partagé avec ses petits camarades, il va aussi décorer la salle de jeux d’un nouveau papier peint… jusqu’à la prochaine rénovation, cela va sans dire.
Batman Dark City, tome 5
Incarcéré dans la prison de Zur avec le Joker pour voisin de cellule, Batman doit organiser son évasion… Mais parviendra-t-il à s’échapper d’un établissement conçu par l’ultime version de lui-même ? De son côté, Zur est devenu le nouveau protecteur de Gotham et établit des règles toutes personnelles. Il détient un sombre secret, et si ce dernier venait à le révéler, une menace sans précédent s’abattrait sur le Chevalier Noir, la ville de Gotham, et l’Univers DC dans son ensemble.