Après une première année à remettre Wally West sur les rails et à redéfinir ses origines, Mark WAID et Brian AUGUSTYN sortent l’artillerie lourde. Le Retour de Barry Allen va devenir la saga de référence sur laquelle ils bâtiront les autres grands événements qui vont chambouler la vie de l’Éclair Écarlate.

En 1993, le duo scénariste/éditeur joue le tout pour le tout en offrant aux lecteurs de longue date ce qu’ils réclament depuis le lancement de la série, en 1987… à savoir, Barry Allen à nouveau dans le costume de Flash ! Pourtant, en auteurs avisés, les compères savent qu’entre ce que les lecteurs demandent et ce qu’ils apprécient, il y a un monde que se doit de franchir à toute vitesse leur bolide de héros.

L’année est particulière également pour DC Comics et l’industrie de la bande dessinée américaine. Il s’agit du pic de ventes nées de la spéculation et des crossovers à outrance mais également des derniers soubresauts de l’ère du grim’n gritty, durant laquelle même les héros les plus lumineux deviennent sombres et violents. Ainsi, au moment où paraissent les épisodes que vous allez lire, Superman est mort et Batman a le dos brisé. En remplacement de Clark Kent, on trouve quatre prétendants dont deux d’entre eux (le Cyborg et l’Eradicator) ressemblent à des versions plus agressives de l’Homme d’Acier (voir LA MORT DE SUPERMAN, Coll. DC Essentiels).

De son côté, lors de la saga Knightfall (disponible en cinq tomes), Bruce Wayne cède la cape et le masque du Chevalier Noir à Jean-Paul Valley qui ne tarde pas à les troquer contre une armure dernier cri. Ces changements sont alors si fréquents – même chez les concurrents, Daredevil et Captain America porteront des armures – qu’il faut à WAID et AUGSTYN user de nombreuses astuces pour ne pas céder aux sirènes de la mode.


Vous assisterez néanmoins aux premiers pas de deux créations symptomatiques de cette période : Argus et Razer. Le premier est issu du crossover Bloodlines. Paru tout au long des Annuals de l’été 1993, Bloodlines était une tentative de DC de braconner sur les terres lucratives d’Image Comics en fournissant au cours de ces numéros doubles une galerie de super-mercenaires ou de justiciers monstrueux à la mâchoire serrée et aux pseudonymes « imagés ». Argus est ainsi une justicière nocturne-type, qui pioche autant du côté de Daredevil que de Dr Mid-Nite, avec sa vision spéciale et ses mouvements de gymnaste. Fidèle à lui-même, Mark WAID ne parvient pas à concevoir un antihéros violent et sanglant mais confère au nouveau venu une certaine noblesse. Celle-ci est en revanche visiblement absente du dénommé Razer, qui lui, débute quelques numéros plus loin. Il ressemble à une parodie des super-vilains aux griffes acérées qui pullulent notamment dans les titres mutants.

Ces mêmes titres qui ont inspiré en retour les innombrables groupes du type WildCATS et Cyberforce très en vogue au cours de cette époque. Tout au plus peut-on noter que la base des pouvoirs de Razer permet à Flash de trouver la faille dans son armure : la force brute ne fait pas le poids face à une bonne dose d’imagination.
Si Razer et Argus n’ont pas marqué les mémoires, il n’en est pas de même pour Max Mercury, l’autre débutant de cette année. Un « bleu » qui a en réalité des dizaines d’années d’expérience derrière lui, puisque Mark WAID va chercher et réactualiser un personnage de l’Âge d’Or : le Quicksilver des années 1940, qui a fait partie des héros de Quality Comics rachetés par DC par la suite. Max Mercury va devenir un des piliers de la « Famille Flash » que recompose petit à petit Mark WAID. Mais il est également un symbole du mode opératoire de WAID : un retour au « sens du merveilleux » qui est partie prenante du concept des super-héros mais est un peu oublié en ce début des années 1990. En développant la personnalité de personnages anciens et en affinant leurs sentiments, leurs doutes et leurs peurs, le scénariste prouve qu’un concept n’est dépassé que lorsqu’il lui manque un point de vue novateur.

Une remarque encore sur la saga du Retour de Barry Allen : il s’agit de la dernière apparition de Hal Jordan dans la série Flash avant un long moment. En effet, dans les mois qui suivent, ce Green Lantern va succomber à la vague du grim’n gritty avec l’arc Emerald Twilight. Dans celui-ci, suite aux événements de LA MORT DE SUPERMAN qui ont vu la destruction de Coast City, Hal sombre dans la dépression et tente de ressusciter sa ville chérie. Mais au cours de l’opération, il se met à dos le Corps des Green Lantern qui entre alors en guerre contre leur ancien coéquipier. La bataille fait rage et Hal détruit le Corps. On sait désormais, grâce à Geoff JOHNS, que cette plongée dans la folie était due aux manipulations mentales de Parallax, l’incarnation de la Peur, mais à l’époque, le choc est grand parmi les lecteurs. Dans le prochain tome, vous verrez comment WAID et AUGUSTYN s’amusent avec cette atmosphère lourde qui investit les titres DC et qui conduira à l’événement cosmique Zero Hour.
Mais pour l’heure, le scénariste et l’éditeur disent au revoir à Greg LAROCQUE qui s’est occupé des dessins de Flash depuis 1988, et son numéro 15. Si son style dynamique collait particulièrement bien à la série et s’il semblait totalement à l’aise avec sa distribution étendue, il renvoie immanquablement à la période précédente, écrite par William MESSNER-LOEBS. Or, toute l’intrigue du Retour de Barry Allen évoque le désir de se démarquer du passé et de se tourner vers l’avenir : ce sera donc le dernier arc réalisé par LAROCQUE qui se surpasse et signe pour l’occasion un triple-épisode impressionnant. Son successeur va quant à lui imposer rapidement sa marque en redéfinissant la manière d’illustrer le héros. Selon les dires de Mark WAID, le scénariste a repéré le dessin de Mike WIERINGO alors que ses planches étaient posées à l’envers sur le
bureau d’un responsable éditorial de DC. « Les poses étaient bonnes, la narration et les cadrages étaient très bons et ses lignes claires étaient à des lieues des imitateurs du style “Image” qui fleurissaient à l’époque1. » Ce style entre tradition et modernité est ce qui intéresse WAID.

On y sent en effet l’influence de Carmine INFANTINO, le créateur graphique de Barry et Wally, mais également des éléments proches de l’animation japonaise. Le tout colle parfaitement à un personnage qui se déplace à la vitesse de la lumière et fait montre d’un optimisme à toute épreuve.
WAID avoue qu’il a fallu néanmoins quelques numéros à WIERINGO pour se sentir à l’aise sur la série. « Je ne lui ai pas fait de cadeaux en plaçant (le numéro 80) dans un stade de baseball, c’est une chose plutôt cruelle à infliger à son tout nouveau dessinateur. »
L’arrivée de WIERINGO sur Flash correspond également à une augmentation des pouvoirs de Wally, qui se découvre une assurance inédite.

Une confiance en soi partagée par ses auteurs qui vont faire de son titre, malgré les références diverses à sa riche histoire, une série unique et à succès. Mais aussi le fer de lance d’une nouvelle ère pour le comic-book de super-héros. Le chemin est tracé, il ne reste plus à Wally West qu’à l’emprunter sans regarder dans le rétro.

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Autrefois, Wally West n’était que Kid Flash, l’acolyte de son mentor et ami Barry Allen, le protecteur de Central City. Mais la mort de l’homme le plus rapide du monde a fait de Wally le nouveau Flash, non sans quelques appréhensions ! Alors le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il ne s’attendait pas à son retour ! Violent et paranoïaque, Barry est déterminé à reprendre sa place, peu importe la manière.

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Découvrir Flash Chronicles 1992

Mark WAID a largement contribué à développer le personnage de Flash à travers la personnalité de Wally West, là où la série des années 1950-1960, incarnée par Barry Allen se concentrait davantage sur l’intrigue des épisodes. L’auteur, en incluant des éléments de sa vie personnelle, humanise le super-héros et le rend plus accessible aux yeux du lecteur, transformant le successeur de Barry Allen en l’un des héros les plus populaires de DC.

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