Créés dans les années 30, les comic books sont les dignes héritiers des romans de gare baptisés « pulps » qui couvraient des genres divers, du polar à la science-fiction en passant par le space opéra et la fantasy. Comme les héros, les super-vilains sont également issus de cette mouvance : leurs prédécesseurs sont des savants fous, des génies du crime ou des brutes à la force surhumaine.

Dans les premiers numéros de DETECTIVE COMICS, avant même la première apparition de Batman, on retrouve ainsi une adaptation du Fu Manchu de Sax ROHMER.

Leader incontesté d’une organisation criminelle tentaculaire, il présente déjà des traits caractéristiques des futurs super-vilains : rendu immortel par un élixir de sa création, il dirige une société d’assassins, gère un trafic de  drogue et d’esclaves, et utilise animaux dangereux et armes chimiques pour accomplir ses méfaits.
L’aspect surnaturel de ses aventures anticipe déjà celles des super-héros.

Ainsi, peu de temps après leurs créations respectives, en 1938 et 1939, Superman et Batman se verront affronter des criminels de plus en plus retors. Il est bien évident pour leurs auteurs que face à la puissance de l’Homme d’Acier et à l’indomptable volonté du Chevalier Noir, de simples truands ou braqueurs de banque ne font pas le poids.


Superman va ainsi découvrir que derrière de multiples opérations maléfiques se trouve un seul et même savant diabolique : l’Ultra-Humanite. Puis, en 1940, dans ACTION COMICS #13, ce dernier est remplacé par Luthor : au départ un profiteur de guerre aux cheveux roux, il devient un scientifique chauve pour la suite de sa sinistre carrière.
Il n’est pas le seul à lancer des défis réguliers au Dernier Fils de Krypton. Ainsi, face à l’augmentation des pouvoirs du héros, de nouveaux félons font plus souvent preuve de malice que de force brute. Le Prankster, le Toyman, J. Wilbur Wolfingham ou Mr Mxyztplk sont quelques exemples de magouilleurs à la dimension comique notable, qui semblent plus désireux de ridiculiser l’Homme d’Acier que de le tuer pour de bon.

Débutant dans ACTION COMICS #51 en 1942, le Prankster élabore des canulars complexes pour en retirer le maximum de profit (de faux billets de banque jusqu’à la mise sous copyright de la propre langue anglaise !). Le Toyman, lui, est un inventeur de génie qui se sert de jouets modifiés qu’il transforme en armes et explosifs. Depuis ses débuts dans ACTION COMICS #64 en 1943, son armement n’aura cessé d’augmenter en même temps que sa sauvagerie. Lors de son run sur ACTION COMICS, le scénariste Geof JOHNS expliquera également que ce fabriquant dément se sert d’avatars androïdes pour accomplir ses méfaits et qui le remplaceront lors de ses nombreux séjours en prison.

Wilbur Wolfingham, en revanche, ne fera que quelques apparitions dans les années 40, avant de disparaître dans
les limbes des personnages oubliés. Ce spécialiste de l’arnaque, au physique proche de l’acteur W.C. FIELDS, a multiplié les stratagèmes douteux, toujours en vain.

Apparu dans SUPERMAN #44, en 1944, Mr Mxyzptlk, quant à lui, sera plus tenace : lutin de la cinquième dimension, il sera même mis en vedette comme grand manipulateur, dans le final des aventures du Superman
pré-Crisis (la refonte de l’univers DC en 1986), réalisé par Alan MOORE et Curt SWAN dans le récit « Whatever
Happened to the Man of Tomorrow ».

De son côté, Batman devra lui affronter des gangsters de plus en plus en excentriques et monstrueux. Si le Docteur La Mort (DETECTIVE COMICS #29) et le Professeur Strange (DETECTIVE COMICS #36), apparus tous deux en 1939, n’ont que de maigres difformités physiques, et si le Moine (DETECTIVE COMICS #31) se révèle au final être un vampire, ils sont bien vite éclipsés par des vilains plus haut en couleur qui accéderont au rang de véritables icônes du Mal. Il s’agit bien entendu du Joker ou de Catwoman, tous deux apparus dans BATMAN #1 de 1940, suivis par le Pingouin (DETECTIVE COMICS #58 de 1941) ou Double-Face (DETECTIVE COMICS #66 de 1942). Tous ne seront pas aussi chanceux : le Cavalier (DETECTIVE COMICS #81 de 1943), voleur au look de mousquetaire, se cantonnera à de rares apparitions. Et il faudra attendre quelques années pour que le malicieux Sphinx (DETECTIVE COMICS #140 de 1948), ou le tireur d’élite Deadshot (BATMAN #59 de 1950) n’accèdent à une véritable notoriété.


Pour le reste de l’univers DC, à commencer par Wonder Woman, la plupart des super-héros voguent entre des menaces bien réelles, tels les espions nazis ou les soldats ennemis lors de la Seconde Guerre mondiale, et leur propre bestiaire de vilains. Quasi-exclusivement féminin, celui de la Princesse Amazone comporte quelques exceptions notables comme le Dr Psycho. Apparu dans WONDER WOMAN #5 (1943), ce nain maître de l’hypnose cultive une profonde haine des femmes, une misogynie qui en fait un opposant évident pour l’héroïne. De même, Mars, le Dieu de la guerre, cherchera à tout prix à détruire cette justicière qui prêche la paix et la tolérance dans un monde en confit, et ce, dès WONDER WOMAN #1 (1942).

Les autres super-vilains de l’époque, outre des apparitions dans les revues des différents héros, interviendront de
façon sporadique dans les pages d’ALL-STAR COMICS, revue qui comprenait les aventures de la Société de Justice d’Amérique. Car, face au télépathe Brainwave, au monstre indestructible Solomon Grundy, au dictateur d’opérette Per Degaton et à l’illusionniste Wizard, seule l’union de différents super-héros pouvait alors empêcher le monde de sombrer dans la tyrannie et l’oppression. À la fin de la guerre, les super-vilains deviennent ainsi les principaux opposants des héros, reflets de tous les problèmes à venir autant que des menaces passées, dans une société où tout est à reconstruire et à l’avenir aussi brillant que fragile.

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