La bande dessinée américaine principalement connue en France sous le titre de PIM PAM POUM a mené durant soixante-cinq ans une double existence aux États-Unis, puisque derrière cette appellation unique se dissimulent en réalité deux séries distinctes : The Katzenjammer Kids, lancée en 1897 et qui paraît encore aujourd’hui, bien qu’il ne s’agisse plus que de rééditions depuis 2006 ; et The Captain and the Kids, publiée de 1914 à 1979.


À l’origine de ces deux bandes rivales, on retrouve le même dessinateur : Rudolph DIRKS, né en Allemagne en 1877, émigré avec sa famille sept ans plus tard et qui, après avoir travaillé pour divers journaux et magazines
dès l’âge de seize ans, se trouve employé au New York Journal racheté en 1896 par William Randolph HEARST. C’est vers lui que se tourne Rudolph BLOCK, le responsable éditorial de The American Humorist, le supplément illustré du dimanche du New York Journal, pour créer une série humoristique inspirée du célèbre livre Max und Moritz de l’artiste et auteur allemand Wilhelm BUSCH. En voyant les premiers dessins de DIRKS, BLOCH donne à ses personnages le nom de Katzenjammer Kids, d’un mot allemand qui, littéralement, signifie « miaulement de chat » et désigne en argot la gueule de bois.

La première planche, publiée le 12 décembre 1897, sans autre texte que le titre Ach, Those Katzenjammer Kids !, présente en six images, numérotées et sans bordures de cases, la première farce des deux garnements, avec un troisième compère que l’on ne reverra plus. On les voit se venger de leur père qui s’amusait à les arroser avec un tuyau pendant qu’ils jouaient aux billes dans l’arrière cour. Dès la semaine suivante ils ne sont plus que deux, dans la grande tradition populaire des duos farceurs, et prendront bientôt les prénoms de Hans et Fritz. Dans le contexte d’une lutte pour la suprématie entre HEARST et son principal concurrent Joseph PULITZER, la série connaît rapidement un succès grandissant et Rudolph DIRKS s’avère l’un des plus talentueux architectes d’une forme d’art en plein essor, les comic strips (la bande dessinée pour les journaux).


Le père des deux enfants terribles, victime de prédilection de Hans et Fritz dans les premières années quand ils ne s’en prennent pas au grand-père, disparaît peu à peu (sa dernière apparition semble être la planche du 24 août 1902) tandis qu’apparaissent d’autres personnages récurrents tel que l’oncle Heinie, un marin qui se trouve être le frère de Mamma Katzenjammer (« notre » tante Pim, qu’il appelle Lena). Dans la planche du 31 août 1902, l’oncle Heinie lui présente le Capitaine, qui l’invite à bord de son navire avec les enfants. Le fier bâtiment ne résiste pas longtemps à Hans et Fritz, et le Capitaine se voit contraint de prendre pension chez Mamma Katzenjammer, devenant du même coup la victime régulière des deux garnements. L’oncle Heinie disparaît à son tour (on le retrouvera en 1913), et la planche du 15 janvier 1905 marque l’apparition d’un autre personnage qui deviendra le compagnon d’infortune du Capitaine : der Inspector, baptisé en français M. Belazur puis l’Astronome.

Rudolph DIRKS dessine The Katzenjammer Kids durant quinze ans, à quelques interruptions près, notamment lorsqu’il s’engage dans l’armée durant la guerre hispano-américaine de 1898 et confie la série à son frère Gus, lui aussi dessinateur de talent et en compagnie duquel on le retrouve dans les pages du magazine Life pour des dessins humoristiques en 1900, bien éloignés de son style sur The Katzenjammer Kids. Rudolph DIRKS est également un peintre réputé proche de l’Ashcan School ; il expose à l’Armory Show de New York en 1913, la première exposition d’art moderne aux États-Unis, et fonde même une colonie d’artistes à Ongunquit, dans
le Maine. Il n’est pas rare qu’il prenne de longues vacances, et engage d’autres dessinateurs comme Frederick OPPER ou Gus MAGER pour le remplacer.

En 1912, il s’embarque pour un long séjour en Europe après avoir fourni à HEARST l’équivalent d’un an de publication. À son retour, il est débauché par Joseph PULITZER qui veut publier The Katzenjammer Kids dans The New York World. La dernière planche de Rudolph DIRKS est publiée le 16 mars 1913. S’ensuit un long et retentissant procès, l’un des premiers de l’histoire de la bande dessinée, au terme duquel HEARST conserve les droits sur le titre de la série tandis que DIRKS se voit autorisé à publier les personnages sous un autre titre. C’est ainsi qu’il lance une nouvelle série dans The New York World le 7 juin 1914, qui reste sans titre jusqu’au 23 mai 1915 où elle s’intitule Hans und Fritz, avant de prendre le titre définitif de The Captain and the Kids le 25 août 1918. Rudolph DIRKS écrit et dessine les planches du dimanche de 1914 à 1962, à l’exception d’une parenthèse du 1er mai 1932 au 31 décembre 1933 où elles sont l’œuvre de son assistant Bernard DIBBLE, auquel on doit également une bande quotidienne publiée de 1934 à 1939. En 1962, le fils de Rudolph DIRKS, John, prend la relève et mènera la série jusqu’à son arrêt par l’agence United Features le 15 avril 1979.


À l’issue du procès, HEARST reprend pour sa part la publication de The Katzenjammer Kids le 17 mai 1914, d’abord confiée à un inconnu puis, à partir du 29 novembre 1914, au dessinateur Harold KNERR qui s’était déjà
fait connaître pour avoir dessiné du 15 février 1903 au 4 octobre 1914 la série The Fineheimer Twins, l’une des imitations les plus réussies de The Katzenjammer Kids. Harold KNERR, sur lequel nous reviendrons plus en détail dans le prochain volume, sera le principal artisan de The Katzenjammer Kids, qu’il dessine durant trente-cinq ans jusqu’à sa mort en 1949. Charles H. « Doc » WINNER lui succède pour les planches publiées du 1er janvier 1950 au 22 juillet 1956, puis Joe MUSIAL du 29 juillet 1956 au 31 juillet 1977, suivi de Mike SENICH jusqu’en 1982, Angelo De CESARE de 1982 à 1986 et Hy EISMAN de 1986 à 2006.

En France, la publication la plus ancienne de The Katzenjammer Kids remonte à 1899 avec la reprise de deux planches muettes, intitulées simplement « Les Grenouilles » et « Les Gamins et les lampes », dans les numéros du 4 mai et du 15 juin du Journal pour tous, supplément illustré du quotidien parisien Le Journal. Ces deux apparitions, dans la rubrique « La caricature à l’étranger », demeurent néanmoins fugaces, et il faut attendre encore une douzaine d’années pour assister à un semblant de parution régulière en 1911 et 1912, sous le titre Les Méfaits des petits Chaperché, dans la revue Nos Loisirs, qui avait déjà publié The Newlyweds and Their Baby de George McMANUS quelques années plus tôt.

Cette publication reste malgré tout encore relativement anecdotique puisqu’elle ne survient que pour un total de dix-sept numéros, entre le no 7 de 1911 et le no 26 de 1912, la numérotation de la revue redémarrant chaque année. Il faut encore attendre une vingtaine d’années avant que The Katzenjammer Kids ne commence à s’implanter réellement en France, d’abord avec la publication chez Hachette d’un album daté de mai 1933 et intitulé Pim, Pam, Poum (la première utilisation de ce nom en France), puis dans Le Journal de Mickey à partir du no 25 du 7 avril 1935. L’album reprend (avec des omissions et parfois dans le désordre) huit planches de KNERR publiées entre le 3 janvier et le 20 mars 1932 à raison d’une planche toutes les deux pages avec texte sous images, tandis que Le Journal de Mickey entame la publication des planches de KNERR à partir de celle du 18 novembre 1934, sous le titre désormais consacré de Pim, Pam, Poum.

Par coïncidence, c’est également en 1935 que la série The Captain and the Kids de DIRKS fait son apparition en France, dans le no 31 du 30 novembre de l’hebdomadaire pour enfants Jumbo, sous le titre de Capitaine Cocorico.

La suite dans l’album Pim Pam Poum dès maintenant en librairie !

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Découvrir Pim Pam Poum

Sur l’île paradisiaque de Bongo, le calme et la paix régnaient… jusqu’à l’arrivée des terribles frères Pam et Poum, fraîchement immigrés d’Allemagne. Élevés par leur mère Pim, les deux garnements occupent le plus clair de leur temps à tourmenter le Capitaine et son ami l’Astronome, quand ils ne jettent pas leur dévolu sur Miss Ross et ses deux protégés, Léna et Adolphe, qui sous leur air angélique cachent également des vauriens en puissance.

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