La caution italienne de Catwoman à Rome

Jeph Loeb et Tim Sale voulaient revenir à Gotham et raconter ce qui s’était passé entre UN LONG HALLOWEEN et AMÈRE VICTOIRE, durant la semaine en Italie de Selina. Ils savaient alors qu’ils s’attaquaient à l’épineux problème des origines de Catwoman, un héritage jusqu’ici resté inexpliqué lors des deux mini-séries originelles !

LE SCÉNARISTE, un gamin juif du Connecticut, et le dessinateur, un beau gosse basané de Seattle, m’ont supplié d’éditer de cette mini-série. J’ai bien protesté : « Les gars, je suis directeur artistique chez DC, pas éditeur. J’ai vraiment pas le temps pour ça. » Bien entendu, j’ai déjà édité quelques projets par le passé, notamment l’un des succès de Jeph et Tim, BATMAN : AMÈRE VICTOIRE, mais sincèrement, c’était uniquement parce que leur éditeur préféré (et leur unique éditeur pour ainsi dire), Archie GOODWIN, était décédé juste après BATMAN : UN LONG HALLOWEEN, les abandonnant là à leur sort.

Archie était sans conteste le meilleur éditeur de l’histoire des comics et, honnêtement, la seule idée de devoir le remplacer à ce poste me donnait l’impression d’avoir été désigné batteur remplaçant de Ted WILLIAMS (Ndt : joueur légendaire de baseball). Mais ils m’ont supplié. Sans rire, ils ont pleuré, à genoux. Pour tout dire, c’était assez embarrassant de voir ces deux grands garçons avec leur regard qui semblait me crier « Tu es notre seul espoir, Obi-Wan. » Le plus étrange, c’est que je n’arrivais pas à comprendre, pourquoi moi ? DC rassemble quelques-uns des meilleurs éditeurs de l’industrie : CARLIN, CAVALIERI, SCHRECK, BERGANZA, TOMASI. L’un d’entre eux aurait sûrement pu faire l’affaire, me laissant vaquer à mes occupations et supervisant la direction artistique de DC. Bien entendu, j’ai cédé et je leur ai dit oui. En fait, c’est au cours du processus créatif que ça m’est apparu. Le thème de cette série, c’est la mafia. Je suis sicilien. 2 + 2 = 4.

Ce bref éclair de lucidité a brillé plus fort encore le jour où Jeph m’a téléphoné en me demandant mon avis sur une scène. Il sentait que quelque chose ne cadrait pas parfaitement, que ça sonnait faux. J’ai lu son brouillon et l’erreur m’est apparue comme le nez au milieu du visage : le meurtre d’un ex-flic avait eu lieu dans un club servant de repaire à la mafia, et ce lieu devenait par définition gênant, les mafieux faisaient donc fermer le club. Je me rappelle avoir dit à Jeph que la mafia ne fermait pas un club. Dans ces cas-là, ils brûlaient le club. Tout bon Sicilien pesant son poids en cannelloni sait ça ! Jeph s’est frappé le front du genre « Mais quel idiot ! BIEN SÛR ! » (Je l’ai entendu à l’autre bout du fil, je le jure !), a raccroché et s’est remis à écrire.

Parce que j’ai adoré travailler avec ces deux talentueux auteurs, et aussi parce que la série a récolté un nombre impressionnant de récompenses, je ne me suis jamais plaint du fait d’avoir été la caution italienne de cette histoire.
Remontons quelques années en arrière. Jeph et Tim voulaient revenir à Gotham et raconter ce qui s’était passé entre UN LONG HALLOWEEN et AMÈRE VICTOIRE, durant la semaine en Italie de Selina. Ils savaient alors qu’ils s’attaquaient à l’épineux problème des origines de Catwoman, un héritage jusqu’ici resté inexpliqué lors des deux mini-séries originelles, soulevant alors des questions qui ne pourraient trouver leur réponse qu’au cœur de l’Italie et de sa mortelle Cosa Nostra.

Le dénouement répondra finalement à toutes les questions essentielles. Il s’agissait juste d’un mystère essentiel qui devait être exposé. D’ailleurs, lorsque vous lirez ce récit, soyez attentifs aux points suivants :

📍 Toutes les magnifiques couvertures de Tim sont en réalité un hommage à l’artiste français René GRUAU. Après votre lecture, allez vérifier sur Google et observez l’inspiration de Tim.

📍 Tim voulait dessiner Catwoman dans son costume de cuir noir — conceptualisé par Darwyn COOKE — sur toute la longueur de la série, et ce, même si le personnage ne devait pas porter cette tenue que plusieurs années après les événements de cette histoire. Tim était tellement amoureux de ce costume qu’il était prêt à jeter la continuité avec l’eau du bain. Heureusement pour moi et pour DC, LOEB a trouvé un moyen inspiré de donner satisfaction à Tim sans briser les règles, le temps d’une scène.

📍 Au dos des numéros individuels figurait à chaque fois une carte postale illustrant un lieu célèbre de Rome, à l’exception du dernier numéro sur lequel figurait Gotham City. Vous comprendrez l’allusion seulement après avoir tourné les dernières pages.

Comme je vous l’ai dit, c’était un mystère essentiel qui devait être exposé. Et je suis certain que vous l’apprécierez autant que je l’ai apprécié moi-même. Si ce n’est pas le cas, j’enverrai quelqu’un vous briser les jambes.

– Mark CHIARELLO
Directeur Artistique DC