Autrefois, je me considérais comme « pacifiste ». J’ai manifesté contre le bombardement d’une usine pharmaceutique soudanaise par le gouvernement Clinton. Je me suis fait tabasser par la police montée de Los Angeles pendant une manif contre la Guerre du Golfe II.
Je croyais à la non-violence, et je suis toujours fermement opposé à la guerre. Mais un jour, j’ai lu la citation suivante de Gandhi au sujet de l’avancée des troupes hitlériennes sur l’Europe : « S’ils occupent vos maisons, quittez-les. S’ils vous empêchent de partir, laissez-les vous massacrer, hommes, femmes et enfants… ».
Et ça m’a fait lever le sourcil.
En 2002, le nord de l’Ouganda était un endroit effroyable. En 16 ans, le conflit opposant les Chrétiens extrémistes et le gouvernement avait forcé des millions de gens à quitter leurs foyers et des dizaines de milliers d’enfants à prendre les armes. Ce fut la crise la plus longue qu’ait connu le monde de ma génération. Je me suis rendu dans le nord de l’Ouganda pendant le cessez-le-feu. J’ai vu les conséquences de cette guerre. Les enfants blessés. L’économie déstabilisée. On m’a raconté des histoires cauchemardesques. Et je me suis alors demandé : n’y aurait-il pas eu un moyen d’arrêter ces Rebelles plus tôt ? Certains actes extrêmes n’exigent-ils pas une riposte violente ? Ne faut-il pas, parfois, suivre jusqu’au bout les règles de la guerre, même les plus affreuses, pour y mettre définitivement fin ?
Le soldat inconnu originel était de cet avis. Ses multiples aventures, au cœur de la Deuxième Guerre mondiale, étaient toutes empreintes de zèle patriotique. À son époque, dans son contexte… la violence était la réponse. Lorsqu’Alberto Ponticelli et moi avons commencé à discuter de ce projet, nous avons très vite été mis face à nos propres contradictions… non seulement au sujet de la violence en général, mais de la façon de la représenter dans un tel contexte.
Cette BD est un produit commercial. Nous chassons sur les terres de Rambo, pas de The Constant Gardener, et il serait malhonnête de prétendre le contraire. C’est une BD emplie de scènes d’action intenses, gore, parfois poétiques, souvent effrayantes.
Dès le premier chapitre, le lecteur connaît le nom de notre Soldat. Il connait son visage. Il sait qui il aime, et qui l’aime. Cette fois-ci, il ne vous est pas complètement Inconnu. Mais comme son prédécesseur, il mène sa propre guerre. Et bien qu’il soit à l’origine pacifiste, chaque nouvelle atrocité dont il est le témoin l’amène à se demander si, à son époque, dans son contexte, la solution n’est pas d’appuyer tout simplement sur la gâchette. L’histoire que vous allez lire est l’œuvre d’un pacifiste à mi-temps, qui lui aussi cherchera des réponses à ses questions entre deux scènes d’explosions en quatre couleurs.
Joshua Dysart
Décembre 2008