Gospel, l’Angleterre en 1958

L’histoire de Gospel se déroule en Angleterre, en 1958, une période de troubles dans la grande Histoire du Royaume-Uni. Will Morris nous parle de ces recherches pour l’écriture de Gospel

• Angleterre. 1958.

C’est une période de troubles. Une période où émergent le progrès et de nouvelles technologies qui se heurtent aux mœurs anciennes. Une période de richesse et de pauvreté, d’ambition débridée et de cupidité.

Pendant plus de 900 ans, les dynasties se sont bâties et effondrées, mais une seule chose a perduré : le pouvoir de l’Église de Rome sur la vie religieuse en Angleterre.

Jusqu’à ce que le roi Henri VIII souhaite se remarier. Et que le pape refuse.

Le conseiller du roi, Thomas Cromwell, se saisit de cette opportunité. Ambitionnant de réformer radicalement l’Église, il s’attaque à ses excès, à sa corruption et à ses immenses richesses.

La fin de l’emprise du Vatican sur l’ Angleterre ébranle les fondements de la vie quotidienne et les espérances populaires. La messe en latin et l’influence des prêtres sont sapées par des bibles imprimées en anglais et par l’alphabétisation croissante. Les saints et le purgatoire sont rejetés. Les jours de fête et les manifestations religieuses sont rayés du calendrier. Les sanctuaires et les icônes de culte sont défigurés. Les lieux saints et les monastères sont pillés.

Des troubles éclatent dans le sud-ouest et le nord de l’Angleterre. Les gens craignent pour leur âme et celle de la nation. Nombreux sont ceux qui résistent discrètement. Quelques-uns sont prêts à agir.

• Will Morris nous parle de Gospel

« C’est amusant de se remémorer la création de Gospel. Je constate que je mythifie déjà les sources d’inspiration et le travail d’écriture. Je retire les parties les moins intéressantes et j’accentue celles qui racontent une bonne histoire. Il faut donc prendre tout ça avec des pincettes, mais sachez qu’il s’agit d’un reflet fidèle des raisons qui m’ont poussé à écrire Gospel.

Il y a quelques années, j’avais un travail terriblement peu épanouissant, dans une région merveilleuse de ce monde, le Devon et les Cornouailles, dans le sud-ouest de l’Angleterre. En particulier les Cornouailles, où la magie semble encore planer dans l’air et où les livres de contes et légendes anciens remplissent les étagères des boutiques situées en bord de route. Ces histoires regorgent d’idées extraordinaires et d’événements étranges, mais on peine souvent à en saisir le sens pour une communauté qui les entendrait pour la première fois. Un conte, trouvé au détour d’un panneau d’information près de Tavistock dans le Devon, a fait jaillir l’idée d’un conflit avec le diable. J’espérais qu’en le réécrivant, je pourrais lui donner un sens nouveau pour les lecteurs.

J’ai passé en revue plusieurs périodes dans lesquelles je pourrais ancrer mon récit, avant d’opter pour la Réforme anglaise comme cadre idéal. J’adorais l’idée de Matilde cherchant à devenir une icône, au moment où les icônes étaient littéralement rayées de l’histoire. Au début des années 2000, j’ai été autorisé à monter sur un échafaudage à l’église Holy Trinity de Coventry dans le cadre d’un projet universitaire. On y dévoilait une peinture médiévale du jugement recouverte sous des couches de lavis et de vernis. Lorsqu’elles existent encore, ces peintures murales représentent des âmes sortant de leurs tombes pour être accueillies dans la cité céleste aux murs étincelants ou pour être allègrement entraînées par des démons, des chaudrons bouillonnants et la gueule de l’enfer. Pendant des siècles, ces illustrations ont servi de guide afin de bien vivre sa vie. Puis en l’espace de quelques années, elles ont toutes disparu. Recouvertes de peinture ou détruites lors des réformes religieuses du roi Henri VIII. Au fond, je pense que peu d’époques ont vraiment paru stables pour ceux qui les ont vécues. Mais le bouleversement de la société Tudor me semblait être l’environnement idéal pour cette histoire, qui reflète certaines divisions, agitations et incertitudes que nous vivons quotidiennement.

Quant au sens, il s’agit essentiellement d’une mise en garde. Aujourd’hui, peut-être plus que jamais, nous sommes soumis à une pression qui nous pousse à être performants et à nous montrer à la hauteur d’une exigence imaginaire. Par expérience, je sais que la récompense de cette pression se traduit rarement par un épanouissement durable. Cet épanouissement tend à venir plus lentement, sans le concours des sangliers errants, des assassins, des diables et des géants. Souvent, il peut être ressenti en compagnie d’amis qui voient quelque chose d’authentique en vous. C’est précisément ce sentiment que j’ai voulu retranscrire dans la quête d’identité et de renommée entreprise par Matilde et Pitt, ainsi que dans leur quête pour l’âme de leur communauté.

Quel que soit le sens que vous donnez à cette histoire, je suis heureux d’avoir eu la chance de la partager avec vous. » – Will Morris