Près de 200 ans séparent la publication de Frankenstein ou le Prométhée moderne de Mary SHELLEY et Seven Soldiers : Frankenstein de Grant MORRISON. Ce n’est pas un hasard si le récit a survécu aux siècles tant il est facile de s’identifier au roman gothique.
Victor Frankenstein compose à partir de membres récupérés sur des cadavres un nouvel être. Confronté à sa monstrueuse création, il la renie et la libère dans la nature, la laissant en proie à la violence d’une société qui rejette ce qui ne lui ressemble pas.
La Créature échappe au mal inhérent à la nature humaine : elle est inhumaine, non pas par sa forme monstrueuse, mais par son attrait pour le bien. Poussée dans ses retranchements, elle finit néanmoins par céder à la vengeance et se retourne vers son créateur en assassinant sa fiancée… Rongée par le regret et dégoûtée par ses propres actions, elle décide de mettre fin à ses jours en s’immolant par le feu. Une fin tragique dont se dégage un concept clair : Victor est autant un monstre que sa création.
Frankenstein regagne en popularité à l’occasion du film éponyme de James WHALE, en 1931. Incarné par Boris
KARLOFF – qui reste encore aujourd’hui le visage du personnage dans l’imaginaire collectif – la Créature y est ici bien plus naïve et enfantine. Mais contrairement au roman, sa monstruosité est bien ancrée dans sa nature : créée à partir du cerveau d’un dangereux assassin, elle est dès sa naissance déterminée à une vie de crime… Désormais plus connue sous le nom de son créateur, Frankenstein devient dès lors un monstre de cinéma culte, maintes et maintes fois utilisé comme antagoniste.
Aussi les éditeurs de comics ne se privent pas de s’en emparer dès les années 1940 : dans les pages de Prize Comics #7 en 1940, affrontant Batman dans Detective Comics #135 en 1948 ou encore, chez Marvel, en 1953 dans Menace #7. La popularité de ces monstres de cinéma ne tarit pas, et il apparaît régulièrement aux côtés de Dracula, de momies et autres loups-garous… Peu peuvent se vanter d’avoir affronté les X-Men, Superman et les Avengers au cours de leur carrière ! Pour autant, difficile de parler de personnage tant il manque de profondeur :
Frankenstein incarne alors bien plus le concept facile du monstrueux antagoniste qu’un véritable protagoniste étoffé comme le sont ceux des univers partagés…
Frankenstein est réinventé pour la première fois chez DC dans les pages de Weird War Tales #93, par J.M. DeMATTEIS et Pat BRODERICK, sous les traits d’Elliot « Lucky » Taylor, soldat américain grièvement blessé par une mine anti-personnel. Récupéré par le Projet M de la Docteure Nina Mazursky, il est transformé en golem de chair immortel et invincible, perdant au passage l’usage de la parole. Désormais monstre au service de son pays, il est intégré aux Creature Commandos aux côtés d’autres expérimentations scientifiques : le loup-garou Warren Griffith et le vampire Vincent Velcro. La terrifiante équipe part en direction de l’Europe rongée par la Seconde Guerre mondiale pour participer à la Libération, malgré leurs dangereux penchants pour le meurtre…
Weird War Tales est annulée en 1983 et, malgré une première relance du commando horrifique dans les années 2000, il faut attendre 2006 pour que Frankenstein revienne sur le devant de la scène chez DC, dans les pages de Seven Soldiers: Frankenstein. La mini-série en quatre épisodes est pilotée par l’auteur-star Grant MORRISON, accompagné de Doug MAHNKE au dessin, et sert de prologue au grand événement FINAL CRISIS. Frankenstein est ici un agent immortel qui parcourt le monde pour lutter contre les forces du mal. Loin de la créatur décérébrée, il est tout au contraire présenté comme un être d’une grande sagesse, traversant les siècles en évitant la folie de l’humanité. Finalement, une façon de renouer le Frankenstein moderne avec sa version classique née sous la plume de Marie SHELLEY.
Il devient malgré lui un agent du S.H.A.D.E., organisation gouvernementale de lutte contre les menaces surnaturelles, où il s’entoure d’une galerie de personnages inédits qui participe au développement d’un registre horrifique assez rare dans les séries mainstream de DC. Frankenstein séduit le lectorat, et obtient en 2011 sa propre série « solo » : Frankenstein, Agent of S.H.A.D.E., écrite par Jeff LEMIRE et dessinée par Alberto PONTICELLI. Lancée au moment du New 52, la série explore les pistes tracées par MORRISON, réintroduit les Creature Commandos comme équipe de terrain du S.H.A.D.E. au travers de récits musclés laissant la part belle à l’action. L’album que vous tenez entre les mains réunit ces deux dernières séries, l’occasion rêvée de découvrir un univers au croisement de l’horreur classique et de la science fiction généreuse, un terrain de jeu inédit sur lequel les différentes équipes artistiques s’en sont donné à cœur joie.
Si les apparitions de Frankenstein sont aujourd’hui rares, il reste un personnage apprécié par les lecteurs et par les artistes ! Parmi ses fans, on peut citer un certain James GUNN, qui a choisi d’ouvrir son nouvel univers cinématographique DC avec la série d’animation Creature Commandos dont Frankenstein, Lady Frankenstein et la Docteure Nina Mazursky sont des membres fondateurs. Une nouvelle porte qui s’ouvre pour le personnage, et une nouvelle preuve de sa place en tant que tête de file du pan horrifique de l’éditeur.

Creature Commandos présente Frankenstein tome 1
Loin des bancs de la Justice League adorée du grand public, Frankenstein fait partie d’un réseau d’êtres étranges qui travaillent pour une organisation gouvernementale encore plus étrange : les Sur-Humains Agents de Défense de l’État, plus connus sous le nom de S.H.A.D.E.
Avec son équipe, le monstre le plus célèbre de l’histoire protège l’humanité des menaces surnaturelles. Mais peut-il protéger le monde de menaces encore plus horribles que lui ? Et surtout, étant lui-même vilipendé pour ce qu’il est, voudra-t-il accepter cette mission ?