En 1992, le petit monde des comics est le théâtre d’un séisme sans précédent. Sept dessinateurs stars de Marvel, fâchés des contrats les liant à l’éditeur, claquent la porte et s’en vont créer leur propre maison – Image Comics – pour animer des personnages dont ils seront désormais les seuls propriétaires.

Rob LIEFELD, auréolé du succès de X-Force, crée Youngblood. Pour Jim LEE, qui vient de battre tous les records de vente avec X-Men #1, ce sont les WildC.A.T.s et tout un univers dérivé (devenu depuis la propriété de DC). Pour Erik LARSEN, qui a repris les aventures de Spider-man derrière Todd McFARLANE, c’est Savage Dragon. Et pour ce dernier, l’un des fers de lance de l’aventure Image sera Spawn.

Alors que la plupart de ses camarades tentent de dupliquer le succès des X-Men en créant des groupes archétypaux de mutants, d’aliens ou de cyborgs, Todd McFARLANE reprend un personnage créé à l’adolescence, une sorte de Batman surnaturel, un vengeur mort-vivant doté d’une grande cape rouge.

Le succès est immédiat, et perdure encore aujourd’hui, animé par l’énergie inépuisable de l’auteur canadien : Spawn a battu le record de longévité de la série indépendante (c’est-à-dire non détenue par l’un des gros éditeurs que sont Marvel et DC, mais demeurant la propriété de son créateur), en dépassant le record de 300 épisodes jusqu’alors détenu par Cerebus, créé en 1977 par Dave SIM.

Spawn, c’est Al Simmons, un ancien des forces spéciales tué au combat après avoir été trahi par l’un de ses supérieurs, l’infâme Jason Wynn. Revenu d’entre les morts suite à un pacte avec le démon Malebolgia, il
devient un Spawn, sorte de général d’une armée infernale engagé dans la guerre éternelle des Enfers contre le Ciel. En échange de sa servilité, il sera autorisé à revoir sa femme Wanda une dernière fois. Ressuscité 5 ans après son décès, défiguré, il comprend qu’il a été manipulé par Malebolgia et retrouve sa femme remariée avec son meilleur ami, Terry Fitzgerald, et désormais mère de la petite Cyan. Spawn devient alors cette créature nourrie par un tourment perpétuel, plus ou moins en quête de rédemption.

Livré à lui-même, Spawn se rebelle contre ses nouveaux maîtres. Il l’ignore, mais cette rébellion faisait également partie du Plan, sa colère développant sa nature infernale… Trente ans plus tard, la situation a changé. Spawn a appris à user de ses pouvoirs, comme de ses alliés, pour nourrir ses propres ambitions et bloquer les « zones aveugles », interfaces incontournables entre la Terre, le Ciel et l’Enfer, semant avec efficacité un chaos dont il compte profiter pour libérer son monde de ces deux influences spirituelles. Mais sa guerre de longue durée a occasionné des dommages collatéraux.

Wanda, son ex-épouse, a été la triste victime de ses ennemis qui cherchaient à faire basculer l’avatar infernal.
Ils n’ont fait qu’alimenter une colère dévorante… C’est dans ce contexte pour le moins critique qu’il rencontre Batman, protecteur de Gotham.
C’est la troisième fois en trente ans que les deux personnages font équipe, et tout fonctionne comme au premier jour : la continuité des comics étant ce qu’elle est, ces rencontres entre personnages publiés par des compagnies différentes font de ces montages des opérations ambitieuses qui permettent aux éditeurs de satisfaire les différents publics. Elles permettent également des exercices de style intéressants.

Ainsi, en 1994, la première rencontre scénarisée par Doug MOENCH et dessinée par Klaus JANSON reprend un Batman classique, celui que publie DC à l’époque, alors que la deuxième, écrite par Frank MILLER, s’inscrit littéralement dans la continuité de son DARK KNIGHT RETURNS. Aussi, en toute logique, cette nouvelle itération du tandem Batman/Spawn, dessiné par Greg CAPULLO, également dessinateur historique de Spawn à la suite de Todd McFARLANE, exploite la version du Chevalier Noir qu’il réinventa avec Scott SNYDER, à l’occasion des New 52 en 2012.

Rendez-vous dans trente ans pour une nouvelle rencontre ?