A l’occasion de la parution de Batman Année deux, nous vous proposons de découvrir la préface de Mike W. Barr

L’histoire qui a donné lieu à BATMAN ANNÉE DEUX dans les pages de DETECTIVE COMICS #575-578 (juin à septembre 1987) prend sa source dans un traitement que j’avais écrit quelques années auparavant, en mars 1984, et intitulé Batman 1980. Son ambition était de former une histoire cohérente autour des origines de Batman et de ses premiers mois d’activité à Gotham City : on s’y attardait également sur sa relation avec le commissaire James Gordon et on y répondait à quelques pertinentes questions comme pourquoi diable n’utilise-t-il pas d’armes à feu ?
Ce type de révision de la continuité est fréquent de nos jours, mais en 1984, les premières années de Batman étaient encore un magma incohérent que j’espérais rendre homogène et en phase avec une vision moderne du personnage. Je ne savais que faire de cette histoire mais je songeais qu’avec l’intérêt renouvelé autour de Batman, une réécriture de ses années de formation pourrait être utile. Conçu sans la moindre idée de comment il allait être publié (et plus pour moi-même que quiconque), Batman 1980 a été jugé avec suspicion par les pontes de DC quand je le leur ai proposé le projet, et fut mis de côté. On m’expliqua que toute le monde était très content de l’Histoire de Batman et que personne n’avait prévu de la changer, donc merci mais non merci. J’ai accepté la décision avec philosophie et rangé l’histoire dans un coin de ma tête, me disant que je pourrais toujours l’appliquer pour un personnage de mon cru.

Puis, deux ans plus tard, je devins le scénariste de DETECTIVE COMICS et je fus informé que j’étais en charge d’une minisérie dans la série intitulée BATMAN ANNÉE DEUX qui allait suivre BATMAN ANNÉE UN (ça paraît logique aujourd’hui, mais sachez que les deux récits étaient prévus au départ pour être publiés en parallèle jusqu’à ce qu’une personne de l’édito, Peggy MAY, ne suggère qu’on les fasse se suivre dans l’ordre chronologique). On m’expliqua également que les deux miniséries établiraient et parfois corrigeraient des éléments de la continuité de Batman, en particulier ses premières années.
« Quelle bonne idée » rétorquais-je sèchement, avant de dépoussiérer ma proposition pour Batman 1980. BATMAN ANNÉE DEUX contient à peu près 75 % des idées de Batman 1980. Certaines ont dû être abandonnées car elles entraient en contradiction avec le scénario de Frank MILLER pour BATMAN ANNÉE UN. Par ailleurs, je me demandais comment une équipe artistique quelconque pourrait suivre avec brio le tandem de MILLER et David MAZZUCCHELLI. Au final, la réponse m’apparut assez simple : ANNÉE UN évoquait assez peu le mythe de Batman en dehors de son origine. ANNÉE DEUX, au contraire, s’acharnerait à choisir ce qui reste des histoires passées, à commencer par les épisodes écrits par le premier et meilleur scénariste de Batman, Bill FINGER.
Prenez par exemple Joe Chill, le meurtrier des parents Wayne. Dans « Les Origines de Batman » (réimprimé dans DC COMICS ANTHOLOGIE), Batman parvient à retrouver Joe Chill et se démasque devant lui. Chill parvient à s’échapper et révèle toute l’affaire à ses partenaires de crime. Après avoir réalisé que Chill a créé leur plus grand ennemi, ces derniers s’empressent de l’abattre ! Je voulais à tout prix réutiliser cette scène — mais sans la singer — et j’ai pu, je pense, trouver une manière d’y rendre hommage tout en l’orientant dans une direction inédite. Et puis, il y a Leslie Thompkins, l’apport majeur du scénariste Denny O’NEIL au mythe (même si on pourrait me rétorquer que cette place revient plutôt à Ra’s al Ghul et Talia). Leslie est apparue pour la première fois dans « L’espoir n’habite pas Crime Alley ! » (publié dans BATMAN 80 ANS) : assistante sociale, c’est elle qui a réconforté le jeune Bruce Wayne la nuit où ses parents ont été assassinés. Son rôle a été étendu dans ANNÉE DEUX afin d’en faire l’une des personnes les plus importantes de la vie actuelle de Bruce. Le commissaire Gordon est également présent dans ANNÉE DEUX mais dans un rôle moins prépondérant que dans ANNÉE UN. Batman et lui sont à nouveau à couteaux tirés, un petit coup de chapeau de ma part à ANNÉE UN (être le meilleur ami de Bruce Wayne comme de Batman n’est pas une partie de plaisir). La troisième partie s’ouvre d’ailleurs sur un écho délibéré au monologue de Bruce face au buste de son père dans ANNÉE UN.
En règle générale, la plupart des éléments de l’intrigue d’ANNÉE DEUX servent de reflets à ceux d’ ANNÉE UN. Denny O’NEIL m’avait fait parvenir les scénarios de Frank MILLER et je savais que tenter de suivre ce récit ne serait pas chose aisée. Bien heureusement, j’avais une entière confiance envers mon équipe artistique. J’avais choisi Alan DAVIS et Paul NEARY comme dessinateur et encreur de BATMAN AND THE OUTSIDERS quand je l’écrivais et ce tandem avait grandement aidé le titre à devenir celui qui se vendait le mieux de toutes les séries affiliées à Batman. Ils furent également mon premier choix pour m’épauler sur DETECTIVE COMICS, une décision soutenue à 100 % par mon responsable éditorial, Denny O’NEIL. Leur dessin parvint ainsi à redonner du tonus aux ventes du titre qui avait donné les initiales DC à l’éditeur. Alan était d’ailleurs impatient de travailler sur ANNÉE DEUX et d’apporter sa propre contribution au mythe de Batman : le Faucheur. Puis, Alan et Paul durent quitter DETECTIVE COMICS pour des raisons personnelles* et les responsables de DC durent trouver en quatrième vitesse un remplaçant. Je n’ai pas eu mon mot à dire sur celui-ci mais je tiens à les saluer pour avoir sciemment choisi un dessinateur aux antipodes de celui du duo DAVIS/NEARY : Todd McFARLANE. Ces deux styles graphiques ne pouvaient être plus à l’opposé et pourtant, les deux dessinateurs ont su s’approprier le personnage de Batman. Celui d’Alan est clairement dans la lignée de l’école Neal ADAMS : son Batman est une forme organique souple et fluide comme une raie manta, il s’insinue dans l’obscurité et la fait sienne. Todd semble plus influencé par le travail des créateurs de Batman à commencer par Bob KANE : son Chevalier Noir est un assemblage de bris de verre teinté qui empale la nuit elle-même. Il est évident que changer de dessinateur en plein milieu d’une histoire n’est pas l’idéal, mais Todd a relevé le défi avec brio. Il n’y a pas de version « définitive » d’un tel personnage qui a existé sur plus de cinquante ans, si on excepte celle de FINGER et KANE, mais les interprétations de Todd et d’Alan comptent parmi les meilleures… … et j’ose espérer qu’il en est de même pour ANNÉE DEUX.

*dans une préface postérieure, Mike W. BARR révèle les causes de la décision d’Alan DAVIS et Paul NEARY : le dessin du pistolet qu’utilise Batman sur la couverture du numéro 575 a été corrigé à leur insu pour coller à la version utilisée dans ANNÉE UN. Ce couac éditorial pousse alors DAVIS et NEARY à quitter le titre et DC.

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À présent que le Romain et sa famille mafieuse ont vu leur règne s’achever suite à l’alliance de Batman et de James Gordon, la ville de Gotham peut à nouveau entrevoir un avenir radieux. Mais le retour d’un justicier du passé, le Faucheur, va mettre en péril l’amitié entre le jeune Chevalier Noir et le commissaire nouvellement nommé. Poussé à bout, Batman va même devoir s’allier avec l’homme qui a changé à jamais le cours de sa vie, et la deuxième année de Batman pourrait bien s’avérer être sa dernière.

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