Si j’écris des comics, c’est pour une seule et unique raison. SANDMAN. Point final. Aucune série n’a plus compté dans la façon dont je me vois comme scénariste et créateur. On en retrouve l’ADN dans chacun de mes projets de bandes dessinées.
Il y a dans SANDMAN une ambition qui m’a toujours inspiré, cette façon que Neil GAIMAN a de tisser ensemble toutes ces influences éperdument disparates, des personnages profondément humains et d’autres profondément inhumains en un monde qui s’infiltre dans votre tête pour y vivre. L’idéal platonicien d’une série de comic-books, c’est l’épopée définie par les soixante-quinze numéros de SANDMAN, qui prend le temps d’explorer chacune des différentes et fascinantes petites routes de traverse qu’il rencontre. C’est SANDMAN qui m’a enseigné la valeur d’une histoire complète en un seul numéro. Qui m’a appris combien l’horreur et la comédie pouvaient cohabiter sur une même page. Qui m’a donné envie de bâtir des mondes que je pourrais explorer pendant des années en tant que scénariste.
Le jour où j’ai reçu dans ma boite aux lettres un colis remplit d’exemplaires de mon Batman Annual n°1, j’ai envoyé un message à Neil GAIMAN. J’étais encore sur Tumblr à l’époque et je savais qu’il répondait parfois à des questions de fans. J’en concluais qu’il devait y jeter un coup d’œil de temps en temps. Je lui ai donc envoyé un long message exubérant lui racontant que pour la première fois je venais de recevoir de DC un colis de comics avec mon nom sur la couverture et que SANDMAN était la raison pour laquelle j’avais un jour choisi cette profession. Que je ne serais pas ici sans lui et que je voulais juste le remercier de m’avoir fait aimer les comics.
Sa réponse fut brève et aimable : « Ça me fait vraiment plaisir ! », mais elle représentait tant de choses pour moi. L’homme qui avait construit le monde qui m’avait donné envie d’écrire des comics m’accueillait dans l’équipe. Mon premier emploi dans les comics a été un travail de superviseur intérimaire au sein des bureaux de Vertigo, maison-mère de SANDMAN, naturellement.
Bon sang, quand j’ai commencé à mettre en place JUSTICE LEAGUE DARK (j’ignorais encore qu’on allait bientôt annoncer le lancement de « l’Univers Sandman »), une partie de ma proposition pour le septième numéro, imaginé sur le modèle des anthologies, visait à avoir Abel et Caïn comme « présentateurs ». Lorsque j’ai rédigé mon document interne sur la fonction de la magie dans l’univers DC, le Songe en constituait une part importante. Le monde du Sandman et ses personnages n’ont jamais cessé de vivre dans ma tête.
Il n’a jamais cessé de compter, pour moi.
Chris CONROY, responsable du Black Label chez DC et superviseur de THE NICE HOUSE ON THE LAKE, savait tout ce que SANDMAN représentait à mes yeux. Nous avons longuement discuté de la série au cours des nombreuses années où nous avons travaillé ensemble. C’est pourquoi il savait que je ne pourrais pas refuser cette chance. Et pourquoi je remuerais ciel et terre pour intégrer ce nouveau projet à mon emploi du temps. Je savais quelle histoire je voulais raconter, voilà pourquoi j’ai réagi comme je l’ai fait.
À la seconde où SANDMAN NIGHTMARE COUNTRY s’est retrouvé sur ma table, j’ai su que je devais le faire, même si cela impliquait une énorme charge de travail pour le réaliser correctement. Chris est à la fois cruel et parfaitement génial de m’avoir fait subir ça.
J’ai pour vous une sacrée histoire… quelque chose à dire sur le monde où nous vivons et sur la façon dont des gens différents interagissent avec la notion de « rêves » en ce monde. Mais ce sera une histoire insidieuse, une mèche lente. Je ne vous révèlerai pas toutes mes cartes d’entrée de jeu. Il y a toutefois, dès les premières pages, de petits indices qui continueront à se développer au fil de la série.
M’a rejoint sur cette série une équipe phénoménale : Lisandro ESTHERREN et Patricio DELPECHE au dessin, qui ont réalisé un livre superbe de bout en bout. Et Simon BOWLAND, qui a réalisé un lettrage original formidable (Lettrage de Moscow¬Eye pour la version française.). Sans oublier que dans chaque numéro, nous incluons une « séquence cauchemar » qui révèle un peu du passé du Corinthien, dessinée par une déferlante d’artistes incroyables.
Je ressens une fierté immense pour ce livre et j’espère que vous prendrez autant de plaisir à le lire que j’en ai eu à l’écrire.
James TYNION IV
Novembre 2022
Sandman – Nightmare Country tome 1
Chaque nuit, lorsque vous dormez, le Seigneur des Rêves choisit le chemin emprunté par vos songes. Il peut tout aussi bien vous mener vers des contrées enchantées que dans le dédale de vos peurs les plus intimes. Parfois, il arrive aussi que le Rêve laisse ces dernières s’échapper de leurs sombres coursives pour s’égarer dans notre vaste monde. Aujourd’hui, le Corinthien, le plus redouté de tous les cauchemars, est de retour. Pourtant, si les morts se multiplient, ce n’est étonnamment pas de son fait. Il semblerait que le légendaire tueur en série ne soit pas le seul à parcourir la Terre en quête de victimes.