Dans la petite bourgade de Smallville, au milieu du Kansas en cette fin des années 1950, peu de gens savent que Superboy, le jeune justicier local, est en réalité Clark Kent, un lycéen timide et réservé. Quelle n’est pas sa surprise quand il croise trois jeunes gens, qu’il n’a jamais vus auparavant, et qui semblent tout connaître de son secret.

Renseignements pris, les trois étrangers sont en réalité des visiteurs venus d’un lointain futur : Saturn Girl, Lightning Lad et Cosmic Boy. Ces voyageurs temporels, membres d’un « club de super‑héros », sont de grands admirateurs de Superboy et désirent l’inviter à rejoindre leurs rangs. C’est ainsi que le jeune aventurier s’embarque pour un périple qui le projette mille ans dans l’avenir. Il explore alors un monde utopique où les maladies ont été éradiquées, où l’enseignement bénéficie d’une grande attention, où les tâches subalternes sont confiées à des robots, ce qui octroie du temps supplémentaire que les citoyens mettent à profit pour de plus grandes réalisations. Superboy et ses trois nouveaux amis prennent même le temps de savourer des ice creams aux parfums venus d’autres planètes dans un restaurant nommé « The Jules Verne ».

Cette aventure, écrite par le romancier de science‑fiction Otto BINDER et illustrée par Al PLASTINO, se déroule dans les pages d’Adventure Comics #247, daté d’avril 1958. Superboy est la vedette de cette parution qui accueille d’autres justiciers, parmi lesquels Green Arrow. Le jeune surhomme est envoûté par l’expérience qu’il vient de vivre dans l’étourdissante société futuriste. Et les lecteurs également, au point que cette Légion des Super‑Héros reviendra, à la fin de l’année suivante, dans Adventure Comics #267. Rencontrant à nouveau le succès, les Légionnaires feront d’autres apparitions dans différents titres du catalogue, et accueillent progressivement de nouveaux membres venus étoffer leurs rangs. Incidemment, la Légion allait s’imposer dans le catalogue de l’éditeur, obtenant même sa propre série dans le sommaire d’Adventure Comics, à compter du numéro 300 daté de septembre 1962. « Tales of the Legion of Super‑Heroes » prend la première place du sommaire dans le numéro 309, les Légionnaires faisant la une des couvertures peu de temps après. Ces couvertures, justement, proposent des situations farfelues et originales qui, dans la plupart des cas, appartiennent au registre de la science‑fiction. Sous cet angle, les aventures de la Légion des Super‑Héros s’inscrivent dans une tradition profondément ancrée au coeur des habitudes éditoriales de DC Comics.

En effet – l’imaginaire futuriste a été pour l’éditeur, dans ces années 1950, durement marquées par la censure, la solution à un problème épineux, celui de la représentation de la violence. Dès janvier 1955, à la suite des inquiétudes soulevées par les auditions sénatoriales consacrées aux publications destinées à la jeunesse, un ensemble de règles a été édicté par les éditeurs eux‑mêmes : le « Comics Code » visait à purger les parutions de toute scène violente risquant de motiver une interdiction. La science‑fiction s’est donc imposée, puisqu’elle offrait la possibilité de raconter des histoires avec des soucoupes volantes et des rayons paralysants sans attirer les foudres de la censure. C’est ainsi que, dans la deuxième moitié de cette décennie, l’éditeur a proposé de nombreuses séries situées dans l’espace (« Space Cabby » en 1954, « Space Museum » en 1959, « Star Hawkins » en 1960 ou encore « Star Rovers » en 1961). Toutes ces séries ont contribué à développer une tonalité futuriste teintée d’utopie à laquelle appartient la Légion des Super‑Héros.

C’est dans cette ambiance que s’inscrivent les aventures des Légionnaires. Les héros du futur évoluent dans un monde lumineux, aseptisé, brillant, propice à l’émerveillement. On y admire des immeubles rutilants, on y contemple des voitures volantes, on y observe des lois édictées par les Planètes Unies visant à protéger les citoyens de toute la Voie Lactée. Ce cadre optimiste, promesse de lendemains qui chantent en contradiction avec les inquiétudes de la guerre froide qui pèsent sur les lecteurs au même moment, fait écho au thème de l’adolescence, central dans la série. Les fans peuvent y suivre les explorations de Superboy, lui‑même promis à devenir le plus grand des super‑héros quand il sera grand.

S’ils vivent dans un avenir radieux et fantasmé, les Légionnaires adolescents ne sont pas figés dans un instant immuable. Au fil des ans, ils mûrissent et passent par les cases du mariage et de la parentalité. Venus de l’avenir, ils sont tournés vers demain. Autour du jeune surhomme de Smallville et de ses amis du futur, toute une mythologie s’enrichit progressivement, du quartier général en forme de fusée à la planète‑prison de Takron‑Galtos, composant un monde à part entière dans le vaste Univers DC. Au fil des ans, les lecteurs découvrent de nouveaux adversaires, à l’exemple du sorcier Mordru, et voient arriver de nouvelles recrues, parmi lesquelles Karate Kid, Princess Projectra ou Shadow Lass. Ils s’invitent au mariage de Bouncing Boy et Duo Damsel, puis aux noces de Saturn Girl et Lightning Lad, tremblent devant le décès de Ferro Lad ou d’Invisible Kid. L’un des récits les plus importants de la Légion est raconté dans Superboy #147, daté de mai 1968. On y apprend comment les trois fondateurs, Saturn Girl, Lightning Lad et Cosmic Boy, sauvent le milliardaire R. J. Brande d’un attentat. Le riche homme d’affaires, convaincu du potentiel des trois jeunes gens, décide de financer leur « Club », donnant ainsi naissance à l’organisation. D’abord publiés dans Adventures Comics, jusqu’au numéro 380, les exploits de la Légion sont ensuite transférés dans les pages d’Action Comics, puis dans celle de Superboy, à partir du numéro 172 daté de mars 1971. Les héros du futur, gagnant en popularité, occulteront le jeune surhomme, au point que la série soit rebaptisée Superboy and the Legion of Super‑Heroes (#231) puis Legion of Super‑Heroes (#259). Cette riche continuité du futur sera marquée par la personnalité de dessinateurs tels que Dave COCKRUM ou Mike GRELL, et de scénaristes ambitieux, à l’image de Jim SHOOTER qui signera ses premiers scripts à l’âge de quatorze ans, ou de Paul LEVITZ, historien de la Légion durablement attaché à la série.

Le monde du xxxe siècle décrit dans Legion of Super‑Heroes évolue bien entendu en fonction des avancées technologiques du monde réel, les thèmes du clonage ou de l’informatique apparaissant et s’adaptant à ce que les auteurs imaginent être l’avenir. Il reflète aussi les évolutions sociales, et notamment vestimentaires, du monde réel (ah, les pattes d’eph’ de Phantom Girl, les manches à franges de Dawnstar…). Mais il dépend également des événements racontés dans les séries se déroulant au présent. Et à ce titre, l’Univers DC a été secoué par des « Crises » spatio‑temporelles altérant la continuité et la chronologie. Les premiers bouleversements liés à ces séismes temporels se font sentir lors des événements narrés dans Crisis on Infinite Earths (à découvrir dans la collection DC ESSENTIELS). Par la suite, l’espace‑temps sera modifié à plusieurs reprises, les conséquences étant palpables mille ans dans le futur. Cependant, d’une version à l’autre de la Légion, les rapports entre le présent et l’avenir demeurent sensiblement les mêmes. Aussi, au xxxie siècle, les Légionnaires sont toujours de grands admirateurs de Superboy, et tentent d’honorer son héritage en instaurant une tradition héroïque
dont ils sont les représentants futuristes. Aujourd’hui, le Superboy qu’ils admirent tant n’est plus une version adolescente de Clark Kent appelé à grandir et à mener une carrière spectaculaire sous le nom de Superman. Au contraire, l’actuel Superboy est en réalité Jon Kent, le propre fils du protecteur de Metropolis. Mais son optimisme et sa volonté de construire un monde meilleur servent toujours d’exemples aux générations à venir. C’est dans ce contexte que le scénariste Brian Michael BENDIS met en scène le retour de la Légion des Super‑Héros dans l’histoire galactique. À ce moment, Superman a découvert les tensions politiques ayant agité le cosmos avant la destruction de Krypton, sa planète natale. Il prend conscience que les dissensions entre grandes civilisations galactiques ne conduisent qu’au malheur (à découvrir dans Clark Kent : Superman tome 3, collection DC REBIRTH). De son côté, son fils, Superboy, récemment revenu d’un long voyage spatial en compagnie de son grand‑père Jor‑El, entrevoit la possibilité de rassembler les grands empires cosmiques, parmi lesquels Thanagar ou Khundia, autour d’une structure politique garantissant la paix, la prospérité et la protection mutuelle à tous ses membres : les Planètes Unies.

La fondation de cette utopie universelle correspond au « Jour de l’Unité », une date toujours pleine de signification mille ans plus tard, et que les Légionnaires souhaitent fêter de la meilleure manière possible : en invitant Superboy dans leur époque. Quand ils apparaissent dans le présent en vue de rencontrer celui qui les a inspirés, les membres de la Légion des Super‑Héros, s’ils disposent de grands pouvoirs, se présentent avant tout en admirateurs inconditionnels. BENDIS renoue ici avec l’idée qui soutient la première apparition du groupe, à savoir qu’il s’agit d’une association d’amateurs, d’un « fan club ». Jeunes, insouciants, idéalistes, les Légionnaires sont tout à la joie de rencontrer leur idole, ne mesurant pas les forces qu’ils mettent en branle à l’occasion de ce voyage à travers le temps. Dans les pages de Clark Kent : Superman tome 4, Brian Michael BENDIS nous montre Jon Kent s’embarquer dans un voyage l’emportant mille ans dans l’avenir. Durant ce millénaire, bien des événements se sont déroulés, et quand il débarque dans le xxxie siècle, la société et la planète elle‑même lui semblent étrangères. Aujourd’hui, Superboy arrive au terme de son périple et pose un premier pied dans le monde de la Légion des Super‑Héros.

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Legion of Super Heroes

Jonathan Kent, le fils de Superman est appelé au XXXIe siècle afin de devenir membre de la Légion des Super-Héros : l’équipe composée de jeunes justiciers qui défendent les Planètes Unies. Les rejoint également une immortelle nommée Rose qui a parcouru les époques et assisté de nombreuses fois à la destruction, puis à la reconstruction de la Terre…

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