A l’occasion de la sortie de Justice à 4,90, Alex Ross revient sur les coulisses de la création du titre.

Versus. VS.
Il s’agissait du premier titre de travail pour cette histoire dans laquelle s’affrontaient les plus grands héros DC et les plus grands vilains de l’ère classique. Pour nous, VS. caractérisait notre vision du combat ultime entre gentils et méchants, un combat lyrique. Mais peu importe le nom que l’on pouvait lui donner, la véritable inspiration du projet provenait d’un dessin animé de notre enfance, qui passait le samedi matin, THE CHALLENGE OF THE SUPER FRIENDS (Le Plein de super, en version française). Les héros de la Ligue de Justice d’Amérique y affrontaient leurs plus grands ennemis rassemblés en une Légion Fatale, du jamais vu à la télévision et dans les comics.Il était très rare de voir un groupe de super-héros combattre une union de super-vilains de premier plan. Il existait bien des groupes comme la Société Secrète des Super-Vilains, mais en règle générale, ils comptaient dans leurs rangs des vilains de seconde zone, les grands noms en étaient absents. Une assemblée, aussi impressionnante que celle de la Ligue de Justice, comprenant des noms comme Lex Luthor, Sinestro, Le Sphinx, ou encore Cheetah, était un rêve de fan devenu réalité. J’avais déjà rendu hommage, dans des travaux précédents, à certains détails de cette série animée. Par exemple, en basant l’architecture des bâtiments de KINGDOM COME (coll. DC Essentiels) sur les designs du « Hall Fatal » et du « Hall de Justice ». Lorsque j’ai travaillé sur ce projet, il y a dix ans, je ne réalisais pas à quel point ce matériau d’origine dormait dans mon esprit, tel un potentiel inexploité. En tant que scénariste, mais aussi en tant que fan de DC Comics, je suis arrivé à un point de ma carrière où j’ai pris conscience que je n’avais jamais créé de projet comme JUSTICE.
Dans presque tous mes travaux précédents, mes histoires se concentraient sur les super-héros, leur façon d’interagir dans le monde des hommes, leur interaction entre eux, mais ils n’avaient jamais à faire face à leur fardeau commun, les super-vilains. À ce moment-là, participer à cette bataille sans fin, que l’on retrouvait dans tous les comics, ne me paraissait pas être une priorité. Je me suis rendu compte qu’il fallait que je descende de mes grands chevaux et que je me mette au travail pour produire ce mélange de drame et de divertissement qui est la base des comics. À partir de là, et pendant presque trois ans, ma vie et mes pensées ont tourné autour de cet album. À l’issue de sa création et de l’élaboration des douze parties, j’étais exténué par le fait d’avoir tenté de réaliser ce que les autres comics font habituellement. Même avec deux artistes travaillant en tandem et un scénario extrêmement planifié, cette série fut un véritable marathon.Pour moi, le meilleur moment fut l’élaboration des personnages des vilains, dans la plupart des cas, en repartant de leurs origines classiques. Pour Metallo, un des ennemis les plus connus de Superman de par son nom, mais pas par son apparence, nous l’avons présenté de manière mystérieuse, comme lors de sa première apparition en sosie moustachu de Superman. Ce n’est que lorsqu’il ouvre la trappe en métal de sa poitrine et que l’on découvre son coeur de kryptonite que l’on comprend qu’il s’agit du cyborg Metallo. Pour les autres, le but était d’horrifier le lecteur à chaque apparition d’un vilain. Le visage de Bizarro devait ressembler à celui de la gorgone Méduse, dont le regard vous change en statue de pierre (bien sûr, la vision de Bizarro, capable de vous congeler, en est un rappel). Le Parasite ressemblait davantage à une victime de radiations, il était défiguré, avec un corps dépourvu d’orifices, car c’est ainsi que j’interprétais la vision de Curt SWAN. Priscilla Rich est encore pire, la Cheetah originale, complètement cinglée, coud son déguisement avec les peaux des guépards qu’elle a sacrifiés. Dans la plupart des cas, je pense que les détails de leur personnalité et de leur physionomie se trouvent déjà présents dans l’histoire de ces vilains, parfois même dans leur première apparition.Par exemple, où aurions-nous pu apprendre que le Captain Cold était gaucher ? En réalité, le vrai défi lorsqu’on s’amuse avec ces jouets, c’est de les rendre aussi cools que lorsqu’on jouait avec étant enfant. En règle générale, lorsqu’on devient adulte, « cool » signifie « mortel », mais j’imagine que les créateurs de ces personnages voulaient également qu’ils représentent une réelle menace. En parlant de jouets, et comme beaucoup de lecteurs le savent déjà, nous avons eu le plaisir de voir une ligne de figurines basées sur la série. La dernière fois qu’une collection de jouets basée sur un comic a fait un tel succès remonte à vingt ans, à l’époque des « Super Powers » de DC. En travaillant avec DC Direct, j’ai pu collaborer avec les directeurs artistiques Jim FLETCHER et Georg BREWER, ainsi qu’avec différents artistes talentueux, afin d’harmoniser le look et le style de la série. La plupart du temps, je me concentrais sur la peinture des pages de JUSTICE, mais j’aidais également à l’élaboration de toutes ces figurines que j’avais toujours rêvé de voir DC créer, et désormais, j’avais pu participer à leur création. Ce fut une expérience à la fois gratifiante et très stressante. C’est un sentiment incomparable de voir ce pont se construire entre l’histoire que vous avez imaginée, son illustration et une réalité en trois dimensions.Et j’ai toujours l’espoir de réussir à les convaincre de faire une figurine de Giganta à taille réelle. Mais les comics servent une multitude d’ambitions. Et JUSTICE existe aussi pour embrasser une continuité sans fin, où les concepts du Silver Age de DC continuent à vivre et à prospérer et, je l’espère, à capter l’essence même de ces personnages. Dans JUSTICE, Barry Allen est toujours en vie, Dick Grayson est toujours Robin, et la plupart des héros, vilains et super-groupes qui définissent DC, apparaissent tels qu’ils étaient à leur origine. Cet « univers de poche » est un privilège dont j’ai profité quelque temps. J’ai eu la possibilité de rendre hommage aux comics de mon enfance, en marge de la continuité moderne. JUSTICE est peut-être le point culminant de ce retour sur les personnages, mais j’espère toujours que la nature iconique des super-héros les ramènera à leur forme d’origine.
Je l’ai déjà dit pour d’autres projets sur lesquels j’ai pu travailler, mais cela n’a jamais été aussi vrai que pour cette série : voici une lettre d’amour à un univers de fiction et une tentative de rendre justice à son inspiration.

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Ils sont les plus grands super-héros de la Terre : réunis en une Ligue de Justice imbattable, ils ont toujours fait de leur mieux pour protéger la Terre et l’Univers des menaces les plus variées et diverses.

Mais aujourd’hui, leurs plus grands ennemis ont décidé d’utiliser leurs dons pour résoudre les maux que subit l’humanité au quotidien. Mais leurs motifs sont-ils réellement aussi altruistes qu’ils le prétendent ?

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