Karen berger a assuré la supervision sur la série SANDMAN et été directrice de collection, à l’origine de la collection vertigo, en 1993. Après avoir officié quinze ans en qualité de directrice exécutive de vertigo et cinq ans au poste de ‘vice présidente’ senior chez DC Comics, elle a quitté l’éditeur en décembre 2012.

C’était il y a vingt ans aujourd’hui (non, pas exactement, mais presque, et j’avais envie de citer l’ouverture de Sgt Pepper) ; le SANDMAN n°1 paraissait. À l’époque, en novembre 1988, personne ne soupçonnait que ce premier numéro qui avait exigé beaucoup de travail marquait les débuts d’une sensation sans précédent en littérature et en culture populaire, qui changerait à jamais le paysage des comics contemporains. Personne n’aurait davantage pu prédire que le créateur de cette série épique — un écrivain relativement obscur, originaire de la côte sud de l’Angleterre — deviendrait un romancier best-seller et récompensé dans de multiples catégories de prose (y compris les livres pour enfants, les romans pour adolescents et la fantasy moderne), ainsi que dans l’écriture de scénarios pour le cinéma et la télévision. J’ai écrit sur SANDMAN en de multiples occasions ; aussi, je l’avoue, écrire de nouveau sur la série m’intimide, tant j’ai l’impression d’en avoir déjà tellement dit sur elle. Mais à vrai dire, avec une œuvre aussi abondante en niveaux, thématiquement riche et intelligemment écrite que SANDMAN, il y a toujours autre chose à dire. Et quel meilleur endroit pour ce faire que dans le dernier volume de ces éditions Absolute si superbement présentées, qui réunissent les deux derniers volumes de l’histoire centrale de SANDMAN.

 

« Les Bienveillantes » et « La Veillée »1 (« Nuits d’Infinis » et « Les Chasseurs de Rêves », écrites après que Neil a eu conclu la série mensuelle, sont considérées par conséquent comme extérieures au canon principal, même si elles n’en sont pas moins spéciales pour autant.) La première fois que j’ai écrit longuement sur la création du SANDMAN, c’était en introduction à la deuxième incarnation du recueil de « Préludes et Nocturnes », publiée sept ans après les débuts de la série. C’était formidable de pouvoir parler de la genèse du titre avec un certain recul, car, en tant que superviseur d’une série en cours, on est contraint d’exécuter un difficile numéro d’équilibriste — on continue à se salir les mains en participant au développement de la série pour guider les histoires en cours, mais on doit également garder assez de distance par rapport au tourbillon de l’énergie créative pour conserver une nécessaire objectivité. J’ai déjà décrit, aussi, les humbles débuts de Neil comme scénariste de comics, inexpérimenté et affamé, avec cette voix britannique, toujours polie et toujours insistante, qui hantait constamment mon téléphone pendant qu’il cherchait sa chance de percer. La première chose que je lui ai achetée fut une histoire atypique de SWAMP THING, en huit pages, qui est restée plus de dix ans dans mes archives sans être mise en chantier. Elle portait sur Jack in the Green, un des prédécesseurs de la Créature des Marais dans la longue lignée des élémentaires végétaux de la Terre. En 1999, l’équipe artistique qui constitue la quintessence de SWAMP THING, Steve BISSETTE et John TOTLEBEN, l’illustra enfin pour le recueil broché Neil Gaiman’s Midnight Days, une collection des travaux plus courts et hors-série de Neil chez DC. Elle était plutôt bien mal écrite, pour un type qui n’avait jamais scénarisé de comics avant. Dans mon introduction à « Préludes », j’ai raconté comment j’ai rencontré Neil Gaiman pour la première fois à Londres, en 1987, et comment il m’a proposé un certain nombre d’idées, y compris une série autour du personnage du SANDMAN d’origine (créé en 1939 par le dessinateur Bert CHRISTMAN pour Adventure Comics). À l’époque, toutefois, le SANDMAN était employé dans la série Justice Society of America et n’était pas disponible pour un nouveau titre, aussi ce fut un autre projet — la mini-série L’Orchidée noire, illustrée par Dave McKEAN — qui devint le premier travail publié de Neil chez DC.

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Un an plus tard, après un séminaire éditorial, nous sommes retournés voir ce scénariste aux cheveux en bataille et à la langue habile (mais sincère !), pour discuter du développement de sa propre conception du SANDMAN. Le résultat fut de la magie pure : une œuvre d’une ampleur, d’une puissance et d’un lyrisme tels qu’elle pouvait se tenir avec fierté côte à côte avec — et, en bien des cas, surpasser — les meilleures œuvres de fantasy moderne. Tout commençait par l’évasion d’un roi des Rêves emprisonné et par sa quête pour récupérer ses attributs de pouvoir et son trône, et cela se terminait — comme pour toutes les grandes sagas — par le trépas du héros. Tout au long des soixante-quinze numéros, Neil évolua en un écrivain d’une grande profondeur et d’une grande subtilité, capable d’élaborer une mythologie singulière à partir d’une méta-fiction éternelle. Il racontait des histoires intimes — sur le dilemme de Morphée, les sept Infinis, frères et sœurs bizarres mais merveilleux, et nombre de mortels touchés par les rêves — toutes étroitement tissées en une grandiose tapisserie qui défie les catégorisations. L’amour intense de Neil pour l’histoire, la littérature et les mythologies, tant classiques que modernes, est évident dans une grande partie de son œuvre, mais la résonance et l’intemporalité véritables du SANDMAN reposent dans la crédibilité de son monde et de ses personnages, et dans la puissance suprême de ses magistrales capacités de conteur. Écrivain toujours flexible, Neil adaptait ses scénarios aux points forts des dessinateurs qui allaient les illustrer, et, dans ce volume, Marc HEMPEL et Michael ZULLI pourvoient des images parfaites pour illustrer ces arcs narratifs finaux du SANDMAN. « Les Bienveillantes » commence en douceur, mais s’amplifie au fl de treize chapitres de menace jusqu’à un dénouement éprouvant. J’adore le travail de Marc HEMPEL ici — son style de dessin obsédant et graphique, simple et pourtant puissant, crée une atmosphère unique à la sobre élégance. La palette émotionnelle qu’il est capable de communiquer semble sans limites, qu’il s’agisse des Furies, enragées et animées d’un désir insensé de vengeance (qui continuent à me ficher la trouille), ou les nuances absolument justes de la dernière conversation, émouvante (et pourtant totalement pragmatique), entre le Rêve et la Mort. Et le dessin de Michael ZULLI sur « La veillée » m’a toujours évoqué le travail enchanté et irréel de Maxfeld PARRISH, par la délicatesse de son trait et ses touches victoriennes. Michael a dessiné cette funèbre histoire presque comme une gigantesque fresque murale, dont le vaste point de vue déborde de la frontière des cases, tout en touchant avec délicatesse les émotions de chaque membre des Infinis. Au fil de ces deux intrigues (ainsi que dans beaucoup d’autres auparavant), la palette picturale des couleurs de Danny VOZZO et l’élégante et fluide calligraphie de Todd KLEIN portent le tout à de nouveaux sommets et — comme toujours — le sublime Dave McKEAN fournit des couvertures dont la conception révolutionnaire et le talent sans égal ont influencé depuis lors toute une génération de créateurs de bandes dessinées. À présent, bien sûr, Neil a une base dévouée de milliers et de milliers de lecteurs. Ses fans l’adorent, et à bon droit. Il est charmant et élégant, a un esprit vif et une façon naturelle de s’adresser aux gens. Plus importante, toutefois, est sa façon de constamment dépasser les usages pour les contacter. Avant l’avènement de MySpace et de Facebook — et même avant le Web —, Neil a construit à la base sa propre communauté de fidèles, en arpentant le monde en tournées de dédicace, en expositions dans des bibliothèques, en salons du livre et en lectures publiques, et il n’a toujours pas cessé.

(Je ne sais jamais vraiment dans quel pays et sous quel fuseau horaire il va se trouver chaque fois que je parviens à le joindre au téléphone.) Neil a toujours été un des premiers à adopter les innovations de la communication en ligne, passant des bulletin boards aux forums, puis aux blogs avec une considérable avance sur la plupart de ses pairs, et régalant tout du long ses fans du récit des faits ordinaires et extraordinaires de sa vie. (Pour constater son omniprésence dans le cyberespace, effectuez simplement une recherche Google sur le nom « Neil » et voyez quel site apparaît en premier.) Au surplus, il a toujours été conscient des responsabilités de la notoriété autant que de ses avantages, et il a mis son énergie au service de multiples causes méritantes — tout particulièrement la protection de la liberté d’expression. Depuis plus d’une décennie, il officie comme soutien infatigable et généreux du Comic Book Legal Defense Fund — le Fonds de défense judiciaire du comic-book —, consacrant un temps et une énergie considérables à collecter des fonds et à développer la visibilité de cette organisation vitale, dédiée au combat contre les forces de la censure, qui harcèlent depuis longtemps le média dans lequel il a rencontré ses premiers succès. Dans les comics, comme dans la plupart des branches de la culture populaire, on prise hautement la nouveauté — parfois (« souvent », peut-être) plus que la qualité et la complexité. Le temps demeure toutefois le test définitif pour savoir si une œuvre d’art est oui ou non capable de transcender les conditions étriquées de sa naissance pour devenir un membre établi du firmament culturel. Au bout de vingt ans, je crois qu’on peut en toute sécurité dire que le C’était il y a vingt ans aujourd’hui (non, pas exactement, mais presque, et j’avais envie de citer l’ouverture de Sgt Pepper) ; le SANDMAN n°1 paraissait. À l’époque, en novembre 1988, personne ne soupçonnait que ce premier numéro qui avait exigé beaucoup de travail marquait les débuts d’une sensation sans précédent en littérature et en culture populaire, qui changerait à jamais le paysage des comics contemporains. Personne n’aurait davantage pu prédire que le créateur de cette série épique — un écrivain relativement obscur, originaire de la côte sud de l’Angleterre — deviendrait un romancier best-seller et récompensé dans de multiples catégories de prose (y compris les livres pour enfants, les romans pour adolescents et la fantasy moderne), ainsi que dans l’écriture de scénarios pour le cinéma et la télévision.

J’ai écrit sur SANDMAN en de multiples occasions ; aussi, je l’avoue, écrire de nouveau sur la série m’intimide, tant j’ai l’impression d’en avoir déjà tellement dit sur elle. Mais à vrai dire, avec une œuvre aussi abondante en niveaux, thématiquement riche et intelligemment écrite que SANDMAN, il y a toujours autre chose à dire. Et quel meilleur endroit pour ce faire que dans le dernier volume de ces éditions Absolute si superbement présentées, qui réunissent les deux derniers volumes de l’histoire centrale de SANDMAN, « Les Bienveillantes » et « La Veillée »1 (« Nuits d’Infinis » et « Les Chasseurs de Rêves », écrites après que Neil a eu conclu la série mensuelle, sont considérées par conséquent comme extérieures au canon principal, même si elles n’en sont pas moins spéciales pour autant.) La première fois que j’ai écrit longuement sur la création du SANDMAN, c’était en introduction à la deuxième incarnation du recueil de « Préludes et Nocturnes », publiée sept ans après les débuts de la série. C’était formidable de pouvoir parler de la genèse du titre avec un certain recul, car, en tant que superviseur d’une série en cours, on est contraint d’exécuter un difficile numéro d’équilibriste — on continue à se salir les mains en participant au développement de la série pour guider les histoires en cours, mais on doit également garder assez de distance par rapport au tourbillon de l’énergie créative pour conserver une nécessaire objectivité. J’ai déjà décrit, aussi, les humbles débuts de Neil comme scénariste de comics, inexpérimenté et affamé, avec cette voix britannique, toujours polie et toujours insistante, qui hantait constamment mon téléphone pendant qu’il cherchait sa chance de percer. La première chose que je lui ai achetée fut une histoire atypique de SWAMP THING, en huit pages, qui est restée plus de dix ans dans mes archives sans être mise en chantier. Elle portait sur Jack in the Green, un des prédécesseurs de la Créature des Marais dans la longue lignée des élémentaires végétaux de la Terre. En 1999, l’équipe artistique qui constitue la quintessence de SWAMP THING, Steve BISSETTE et John TOTLEBEN, l’illustra enfin pour le recueil broché Neil Gaiman’s Midnight Days, une collection des travaux plus courts et hors-série de Neil chez DC. Elle était plutôt bien mal écrite, pour un type qui n’avait jamais scénarisé de comics avant. Dans mon introduction à « Préludes », j’ai raconté comment j’ai rencontré Neil Gaiman pour la première fois à Londres, en 1987, et comment il m’a proposé un certain nombre d’idées, y compris une série autour du personnage du SANDMAN d’origine (créé en 1939 par le dessinateur Bert CHRISTMAN pour Adventure Comics). À l’époque, toutefois, le SANDMAN était employé dans la série Justice Society of America et n’était pas disponible pour un nouveau titre, aussi ce fut un autre projet — la mini-série L’Orchidée noire, illustrée par Dave McKEAN — qui devint le premier travail publié de Neil chez DC.

 

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À la disparition de son fils Daniel, l’amazone Lyta Hall, aveuglée par la colère et la tristesse, invoque les trois Furies et leur demande la tête de celui qu’elle tient pour responsable de sa tragédie : Morphée. Les Furies, ou « Bienveillantes », pénètrent le royaume du Maître des Songes et le contraignent à commettre un sacrifice qui changera à jamais sa place au sein des Infinis.

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