Parmi les nombreux et incroyables nouveaux vilains de Batman qu’Alan GRANT a créés, Anarky et le Ventriloque sont les deux favoris de Norm BREYFOGLE et il a même une nette préférence pour Anarky.
Bien sûr, Anarky n’est pas réellement un vilain. C’est un héros incompris et ce n’est qu’un des aspects qui le rend si unique. La particularité d’Anarky est due au fait qu’à son jeune âge, il est quasiment aussi efficace que Batman. Ça m’amuse qu’Alan ait d’abord envisagé d’en faire le nouveau Robin, car ce rôle semble à présent trop réducteur pour lui ! L’audace qui consiste à inventer un jeune ado complètement indépendant et sans le moindre mentor est plutôt iconoclaste dans un genre où on a coutume de penser que « tout a déjà été fait ».
L’autre grande qualité d’Anarky est qu’il n’a pas ce bagage de cinquante ans d’histoire éditoriale ou de merchandising. Cela nous a permis de faire ce qu’on voulait du personnage. Enfin, la caractéristique la plus singulière d’Anarky est tout autre : c’est un héros philosophe. Un Aristote en collants qui se place au-dessus de la mêlée des « combattants du crime » et plonge de plain-pied dans le commentaire sociologique. En réalité, Anarky existe principalement pour défier le statu quo et la hiérarchie en place. Il est peut-être le premier super héros mainstream à opérer de la sorte et en utilisant une approche rationnelle.
Anarky choisit d’appeler cette approche de « l’antimysticisme ». Je préfère parler « d’antisuperstition », car parfois l’esprit poétique qu’on appelle « mysticisme » ne se trouve pas en opposition avec la rationalité mais, au contraire, la complète.
Un mystique va pouvoir exprimer poétiquement ce que l ’anarchiste expliquera rationnellement.
Leurs énoncés peuvent apparaître différents mais être métaphoriquement compatibles. Peut-être que
j’aurai un jour cette discussion sémantique avec Anarky en rêve puisque (après pas moins de 300 fax d’un débat enfiévré) Alan et moi sommes à présent d’accord sur ce point.
Le look original d’Anarky était basé sur le héros de V POUR VENDETTA, mais à cause de délais serrés (et je
l’avoue, parce que je ne voyais pas tout le potentiel de ce personnage), j’ai vêtu Anarky avec des draps rouges.
Il a gardé au fil du temps son masque doré et le chapeau de prêtre ainsi que le col ample qui donnent un aspect de pureté à sa mission. Son indispensable canne et le A encerclé de l’Anarchie demeurent également des éléments de base de son costume.
En lisant ces épisodes, vous vous apercevrez que la « tête » d’Anarky était au départ un leurre, suspendu au-dessus de sa vraie caboche, afin de dissimuler l’âge et la taille de Lonnie Machin. C’était assez unique et présentait un vrai défi à dessiner afin que le lecteur se dise plus tard : « c’est pour ça qu’Anarky avait l’air si bizarre ». Cette bizarrerie est la raison pour laquelle j’ai éliminé la fausse tête dans la mini-série [Anarky, qui se trouve dans l’album V.O. d’où sont tirées les introductions – NdT].
L’autre raison était que la puberté avait fait son office et que Lonnie a gagné quelques kilos et centimètres et s’est mis à remplir son costume. Il a littéralement grandi dans son rôle !
Et moi aussi, j’ai l’impression d’avoir grandi en tant que chorégraphe visuel, si vous voulez. C’est très difficile parfois de jeter un œil à ses vieux travaux. Mais comme d’anciennes pages de journaux intimes, le parfum de nostalgie qu’ils produisent n’a jamais diminué.
J’assume totalement l’idéal d’Anarky : « Pas de force ni de mensonge ». Je n’ai peut-être pas une préférence affirmée pour la sémantique rationaliste mais je suis on ne peut plus d’accord avec le fait que nous sommes perdus si nous ne nous débarrassons pas du statu quo actuel composé de superstition, de manipulation et de force. Une nouvelle conscience mondiale est nécessaire : une fusion de logique, d’intuition, de technologie et d’art passés aux tamis de l’honnêteté, de la compassion et de la responsabilité individuelle.
Même si le but premier des super-héros est de divertir, ils ont également le potentiel de nous aider à entreprendre de nouveaux défis. Et j’aime à penser qu’Anarky se trouve à l’avant-garde de cette évolution.
Après tout, son propre nom de guerre reflète sa raison d’être !
Mais au bout du compte, même nos plus grands super héros et héroïnes ne sont que des grains de poussière infiniment minuscules. Alors espérons que Dieu a une bonne balayette ! (Du calme, les rationalistes, ce n’est pas de la superstition, juste une métaphore poétique sur le potentiel inconnu de l’existence.)
Norm BREYFOGLE,
Californie, juin 1998
Découvrez Batman Chronicles – 1989 Volume 3 – NOUVEAUTÉ
Au sommet de sa popularité, Batman continue de marquer son empreinte sur le comics alors que la fin des années 1980 se profile. Alan GRANT et Norm BREYFOGLE continuent leur run inoubliable sur la série et Sam HAMM, le scénariste du film Batman de Tim BURTON, signe le récit « Blind Justice », qui mettra le justicier masqué autant que son alter-ego Bruce Wayne face à de nouveaux périls. Cette fin d’année 1989 et son numéro #600 est également l’occasion de souffler les 50 bougies du Chevalier Noir, en invitant un parterre d’invités exceptionnels à participer à l’écriture du mythe.
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1989 marque une année charnière pour le Chevalier Noir, qui voit arriver dans les salles obscures sa propre adaptation au cinéma. Réalisé par Tim BURTON, et sobrement intitulé Batman, ce film et les performances exceptionnelles de ses acteurs – Jack NICHOLSON et Michael KEATON en tête – marquera Hollywood et inscrira dans le marbre la vision d’un justicier sombre dans une ville de Gotham aux accents plus gothique que jamais. Le succès est tel qu’il instiguera une véritable « batmania » tout au long des années 90, ouvrant également la culture comics à de nouvelles générations de lecteurs… et rien ne sera plus jamais comme avant pour l’homme chauve-souris.