Comme un écho au film de Barry SHEAR Wild In The Streets (Les Troupes de la colère, en VF), sorti en 1968, et qui plaçait un jeune chanteur de rock au poste de président des États‑Unis, PREZ fit son apparition en 1973. Née sous la plume de Joe SIMON, collaborateur régulier de Jack KIRBY et co‑créateur avec ce dernier de Captain America, Newsboy Legion ou encore Boy Commando, la série ne connaîtra que quatre numéros.

Cette fulgurance marquera néanmoins l’histoire des comics par une charge politique et un ton jusqu’alors inédits. Sur les bases de l’amendement constitutionnel voté aux États‑Unis en 1971, abaissant l’âge du droit de vote à 18 ans, Joe SIMON imagina une fiction où le jeune Preston “Prez” Rickard devenait président des États‑Unis. Dans cette fresque haute en couleurs illustrée par Jerry GRANDENETTI, toute une liste de sujets déjà brûlants allait occuper le jeune locataire de la Maison Blanche : pollution, corruption des élites, consumérisme effréné, défiance vis‑à‑vis des jeunes générations, traitement des peuples natifs américains, lobby des armes à feu… Autant de thèmes qui seront abordés de front en seulement 80 pages d’existence, sans oublier une série d’évènements fantasques qui viendront appuyer le sous‑texte politique de la série, telle une tentative d’assassinat par un groupe de Minutemen anti‑communistes, une campagne d’attentats par des pièces d’échec robotisées ou encore une déclaration de guerre de la nation vampire de Transylvanie !

Si PREZ s’est distinguée par la brièveté de son histoire éditoriale, elle marquera néanmoins l’esprit des lecteurs de l’époque, et des futurs créateurs de demain, par son ton satirique et des situations quasi‑surréalistes rappelant les grandes heures à venir de la DOOM PATROL de Grant MORRISON. Ainsi, fasciné par le commentaire politique de la série, Neil GAIMAN se servira également du personnage de Preston pour dépeindre à son tour cette même société, vingt plus tard, dans le remarquable épisode #54 de SANDMAN. Frank MILLER intégrera quant à lui le personnage de Preston Rickard en tant que président en poste de son mémorable DARK KNIGHT STRIKES AGAIN, le réduisant au statut de marionnette de Lex Luthor. Aussi, c’est sur cet héritage fertile que les auteurs Mark RUSSELL et Ben CALDWELL reprennent le personnage en 2016 à la demande de l’éditeur DC Comics. Pour mieux se démarquer de la série historique, c’est une jeune femme ‑ Beth Ross ‑ qui tiendra le rôle principal. Si le décor a bien changé depuis les années 1970, le matériau de base ‑ à savoir, la culture politique, médiatique et sociale américaine ‑ semble être devenu un réservoir infini de thèmes pour Mark RUSSELL. Alors que les épisodes de PREZ se déroulent effectivement dans un contexte d’anticipation, certaines situations sont ici à peine transformées pour être adaptées dans les pages de la série. Un constat qui vaut à lui seul tous les commentaires sur l’état du monde actuel. Critique ouverte contre les puissants et ceux qui les laissent faire, la reprise de RUSSELL et CALDWELL impressionne par la corosité de son humour et son énergie quasi désespérée à vouloir éveiller les consciences. De la série de 1972, les auteurs reprendront quelques éléments iconiques. Ainsi, pour lui prêter main forte face aux intérêts des groupes pharmaceutiques, agro‑alimentaires et militaro‑industriels, et à l’absurdité de la société de manière générale, Beth recevra l’aide providentielle d’un certain Preston Rickard. Un clin d’oeil à la série d’origine appuyé par la présence d’un certain Boss Smiley, l’antagoniste historique de la série, dont l’apparence rappelait déjà la signalétique du géant de la distribution Wal‑Mart et qui incarne ici les puissantes mégacorporations réglant la marche du monde. Un autre point commun, malheureux cette fois, avec la création de Joe SIMON : la série PREZ, initialement prévue en douze numéros, ne dépassera pas les six numéros et sera complétée ultérieurement d’une épisode supplémentaire dans les pages du numéro spécial CATWOMAN: ELECTION NIGHT #1 que nous vous présentons en épilogue de cet album (et l’on pourrait situer chronologiquement entre l’épisode #3 et 4 de la série). On retiendra néanmoins des aventures de Beth son optimisme à toute épreuve, la fidélité à défendre les plus faibles et son indépendance intellectuelle ; un personnage qui fait écho à toute la génération d’acteurs politiques émergente. Comme l’inscrivait Joe SIMON dès les premières pages de PREZ #1, “Voici l’histoire de la personne la plus puissante du monde. Ce n’est pas un super‑héros, mais un adolescent devenu Président des États‑Unis.
Ceci n’est pas une histoire vraie. Du moins, pas encore, mais cela pourrait un jour être le cas.” Aussi, peut‑on
se prendre à rêver que, dans quelques années, d’autres auteurs reprendront à leur tour les aventures de Prez, jusqu’à ce que la réalité rejoigne un jour cette fiction où un ou une adolescente sauva le monde de son absurdité.

prez

Beth Ross est la première adolescente élue Présidente des États-Unis.

Dans un pays où n’importe quelle corporation peut se présenter à la présidence, où les plus pauvres peuvent désormais louer leur corps pour afficher les pubs de leurs sponsors et où les tacos sont désormais livrés par drones, le seul espoir serait cette gamine de 19 ans découverte sur Twitter. La question n’est cependant pas de savoir si elle aura les épaules assez larges pour assurer ses nouvelles responsabilités mais si le système politique américain est prêt à passer au crible de cette fausse ingénue.

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