Batman a connu cinq séries distinctes dans les journaux depuis son apparition en comic book en 1939. Le premier volume de cette collection réédite la première d’entre elles, probablement la plus importante.

Non seulement ce comic strip, BATMAN AND ROBIN, n’a jamais été réédité en intégralité, mais il revêt également une signification historique importante :
• C’est le dernier corpus important crayonné entièrement seul par Bob KANE, le créateur de Batman.
• C’est le premier travail d’encrage de Charles PARIS sur Batman, trois ans sur les vingt-et-un au cours desquels il a oeuvré sur le personnage. PARIS est sans doute le seul artiste qui ait encré Batman aussi longtemps.
• Enfin, il est constitué d’histoires écrites par les principaux scénaristes qui ont posé les bases de la série au cours des cinq premières années de son existence : Don CAMERON, Bill FINGER, Jack SCHIFF et Alvin SCHWARTZ.

LE MODE OPÉRATOIRE

La plupart des bandes pour les journaux sont réalisées par les artistes pour des agences de diffusion, appelées syndicates. En temps normal, l’artiste livre le travail fini à un responsable éditorial de l’agence. Mais BATMAN AND ROBIN était administré au sein des locaux de DC sous la supervision éditoriale de Jack SCHIFF. Le rédacteur en chef Whitney ELLSWORTH était également impliqué de façon ponctuelle.
Les scénaristes et les artistes concernés traitaient avec SCHIFF, jamais avec l’agence. Une fois le scénario écrit, SCHIFF chargeait le dessinateur (généralement Bob KANE) de faire les crayonnés. Ceux-ci étaient ensuite envoyés au bureau de SCHIFF. Les bandes étaient lettrées dans les locaux de DC (souvent par Ira SCHNAPP), puis confiées à l’encreur (généralement Charles PARIS). Une fois encrées et rehaussées de trame Craftint, elles retournaient dans le bureau de SCHIFF. Celui-ci se chargeait alors de les transmettre au McClure Syndicate, qui réalisait la gravure et imprimait les épreuves avant de les envoyer à tous ses clients. À l’exception des six bandes d’introduction, toutes ont été dessinées sur du papier à dessin Craftint. Fabriqué par la Craftint Manufacturing Company à Cleveland, dans l’Ohio, ce papier comportait un motif de petits points presque invisibles sur une face. Lorsque l’on appliquait un liquide révélateur au pinceau, les points devenaient presque noirs. L’artiste pouvait ainsi réaliser des ombres grisées, qui donnaient l’illusion de la couleur dans un environnement par ailleurs en noir et blanc. Les planches du dimanche étant publiées en couleur, le procédé Craftint n’était pas nécessaire. La mise à la couleur des planches du dimanche était réalisée par un autre employé de DC, Ray PERRY. SCHIFF rédigeait un titre pour chaque bande, qu’il écrivait généralement à la main au recto et au verso de l’original. Il était courant pour les comic strips à cette époque d’avoir un titre individuel pour chaque bande.
On s’en servait pour la comptabilité et les droits de reproduction, chaque bande étant identifiée séparément par le Bureau du copyright. Certaines compagnies estimaient qu’il ne suffisait pas d’identifier les bandes par date ; avec cette méthode chaque date avait un titre associé. Le Bell- McClure Syndicate (né d’une fusion en 1963) a été la dernière agence à utiliser des titres, encore en pratique dans les années 1960 pour Mutt and Jeff.

HÉROS DE PAPIER

À l’époque, DC Comics était connu sous les appellations diverses de Detective Comics, Superman Inc. ou National Comics Publications en fonction du produit. Nous y ferons référence sous le nom de DC dans cette collection. Parmi les nombreux personnages de DC, quatre ont fait l’objet de séries dans les journaux. BATMAN AND ROBIN a été diffusé en bande quotidienne par l’agence McClure du 25 octobre 1943 au 2 novembre 1946 ; la planche du dimanche est parue du 7 novembre 1943 au 27 octobre 1946. WONDER WOMAN a été diffusé par King Features, et non McClure, du 8 mai 1944 au 1er décembre 1945. L’aviateur Hop Harrigan, qui a aussi fait l’objet de feuilletons radiophoniques et cinématographiques, est apparu brièvement en bande quotidienne du 11 mai au 31 décembre 1942. SUPERMAN a précédé ces trois-là et leur a tous survécu. La série a été diffusée par McClure à partir du 16 janvier 1939 en bande quotidienne et du 5 novembre 1939 en planche du dimanche, et s’est arrêtée le 1er mai 1966.
Le fait que SUPERMAN était déjà diffusé par McClure a certainement pesé dans la décision de leur confier BATMAN AND ROBIN, mais par quel processus a-t-il été décidé de lancer la bande ?

Cette plaquette sous forme de comic strip de 45,5 x 15,5 cm était offerte pour promouvoir le serial.
Une fois repliée, elle se présentait comme ci-dessus. Dessins de Jack BURNLEY.

KANE ET ROBINSON : RÊVES PRÉCOCES

Vers octobre 1939, quelques mois après le succès fulgurant de la première apparition de Batman, Bob KANE engage Jerry ROBINSON comme assistant. Évoquant ses conversations avec KANE au cours des premières années, ROBINSON déclare : « Je me rappelle que je voulais faire une bande quotidienne. Je me souviens qu’on en a parlé plusieurs fois. C’était avant que ça se fasse. Très tôt on s’est dit que ce serait bien de faire un comic strip. »

La photo d’exploitation du titre de l’épisode n˚2 du serial de 1943.

LE FEUILLETON-CINÉMA

Le feuilleton-cinéma de Columbia Batman en 1943 a eu des répercussions sur la carrière du justicier masqué, aussi bien en comic book que dans les journaux. Annoncé dès le 17 avril 1942 dans les publications spécialisées, l’écriture de ce serial en quinze épisodes a probablement commencé fin 1942 pour continuer au moins jusqu’en avril 1943. Des publicités dans Box Office (17 juillet 1943) et Motion Picture Herald (24 juillet) en font la promotion. Alfred, le majordome de Bruce Wayne, est apparu pour la première fois dans BATMAN n˚ 16 (avril-mai 1943). Étant donné qu’Alfred apparaît dans le feuilleton, et que les scénarios existants datent d’avant la mise en vente de BATMAN n˚ 16, il est certain que DC collaborait avec les scénaristes du feuilleton (Victor McLEOD, Leslie SWABACKER et Harry FRASER). Il est possible que ces derniers aient inventé Alfred. En tout cas, le feuilleton a eu des conséquences sur son apparence : dans les comic books, Alfred est large d’épaules au début, alors qu’il est mince dans le serial et dans le strip. Les comics ont corrigé le tir fin 1943. Un scénario pour le feuilleton, daté du 5 février 1943, affuble pour la première fois la grotte de Batman du nom de « Bat’s Cave ». C’est d’ailleurs ce nom qui sert de titre au deuxième épisode. La cinquième bande quotidienne (29 octobre 1943) marque apparemment la toute première utilisation du terme Batcave. Là encore, le comic book a emboîté le pas quelques mois plus tard. Non seulement le feuilleton a donné au quartier général de Batman un nom qui allait vite lui rester, mais il a aussi contribué à en préciser le lieu et la configuration. Voici un extrait de la séquence d’ouverture : « Perchée sur l’une des collines qui entourent la métropole fourmillante de Gotham City, la silhouette d’une imposante maison se découpe sur le ciel obscur. De l’extérieur, rien ne la distingue des autres maisons. Mais, au plus profond de ses fondations, dans une cavité creusée au coeur de la roche, se tient l’étrange Bat’s Cave, mystérieusement secrète et faiblement éclairée, qui sert de repaire secret au plus grand justicier
des États-Unis : Batman. » Le strip reprend de nombreux éléments visuels de la Batcave apparus dans le feuilleton, notamment une grande chauve-souris sur une paroi, des bougies, un fauteuil pivotant et un grand bureau (bandes des 18, 20, 21, 28 et 29 décembre 1943).

La plaquette promotionnelle du feuilleton mentionne les comics dans lesquels apparaît Batman, mais pas de strip dans les journaux. On en conclut logiquement que ce dernier n’était pas en projet à l’époque du feuilleton. Mais la campagne promotionnelle de Columbia incluait une plaquette sous forme de comic strip (reproduite ci-contre), réalisée dans le style d’une bande quotidienne. La production de cette plaquette début 1943 a pu inciter les responsables éditoriaux de DC à militer plus activement en faveur d’une bande quotidienne.

Retrouvez le dossier complet dans l’album Batman The Dailies 1943-1944

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Dans les années 1940, en pleine Seconde Guerre mondiale, Batman et Robin n’étaient pas seulement des héros de comic books ou de serials, ils évoluaient également dans les pages des différents quotidiens des États-Unis.

Enquêtant sur des affaires criminelles intenses et retrouvant même leur pire ennemi, le Joker, Batman et Robin y évoluaient dans des aventures concoctées, entre autres, par leurs co-créateurs, Bob KANE et Bill FINGER : un univers de film noir passionnant où le danger guette à tous les coins de rue !

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