La scénariste et romancière connue pour ses titres young adult, TEEN TITANS – RAVEN et TEEN TITANS – BEAST BOY (parus chez Urban Link) se livre sur la réalisation de sa mini-série DC Black Label.

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR TIM BEEDLE* POUR LE SITE DCCOMICS.COM EN OCTOBRE 2019

Comment êtes-vous passée de la ligne young adult à l’écriture d’une série Black Label aussi sombre ?

J’ai un versant sombre ! À l’origine je voulais faire un livre sur le Joker pour la ligne young adult. Ils m’ont expliqué pourquoi ils ne traitaient pas les méchants, mais m’ont dit qu’ils aimeraient quand même entendre mon pitch. J’ai travaillé sur un livre X-Files par le passé, et mon ami le Dr Edward KURZ était un de mes consultants, c’est un profileur et un psychiatre judiciaire. J’ai toujours été intéressée par l’idée d’écrire un roman à suspense pour adultes sur un serial killer, et Ed et moi parlions beaucoup du fait qu’il y avait des psychopathes qui ne tuaient jamais personne. Comment un jeune garçon ou une jeune fille normaux finissent par devenir des Ted BUNDY ? J’étais vraiment intéressée par l’idée de raconter ce genre d’histoire à propos du Joker. Mais plus je creusais, et plus Ed s’y penchait avec moi, plus il devenait clair que ça ne serait pas approprié pour du young adult. Il fallait vraiment que cette histoire soit sombre. Je voulais qu’elle soit réelle.

J’allais donc abandonner cette idée quand Michele WELLS1 a suggéré que je voie ce que je pourrais en faire en tant que comics pour adultes. Comme je réfléchissais déjà à écrire un roman de serial killer pour adultes, il m’a semblé qu’il n’y aurait de meilleur sujet que le Joker. J’ai aussi commencé à penser à la relation entre lui et Harley. Harley Quinn a un job assez similaire à celui de mon consultant. Le Dr KURZ travaille dans un établissement pour les criminels malades mentaux. Une des premières choses que tout psychiatre travaillant dans ce genre de domaine apprend est que les manipulations des sociopathes et des psychopathes sont plutôt évidentes si tu n’es pas un profane. Harley n’en est pas une. Elle est médecin. Je voulais jouer avec l’idée d’Harley qui a cette formation et qui travaille comme analyste comportementale et comme profileuse. Comment réagirait-elle ?
Tout comme la relation entre Batman et le Joker est très complexe, celle entre Harley et le Joker l’est également. Je voulais voir une version saine du Joker car dans beaucoup de versions, il l’est. Il n’a pas d’hallucinations. Son chien ne lui dit pas de tuer des gens. Il le fait parce qu’il en a envie. Pour moi, c’est plus effrayant qu’être fou. Je voulais le dresser contre un profileur qui serait aussi intelligent que stimulant. Mais encore une fois, même si tu es le meilleur profileur, tu essaies d’attraper le Joker. Vous voyez ce que je veux dire ? C’est extrême.

Il semble que vous avez voulu apporter beaucoup de réalisme à l’ouvrage.

On a profilé le Joker comme si c’était une vraie personne, je voulais écrire une procédure rigoureuse. Je tenais à ce facteur de peur psychologique plus que celui d’horreur gore. Je voulais que les gens vérifient que leur porte est bien fermée après cette lecture. Qu’ils sentent vraiment qu’il pourrait être là dehors. Il y a deux dessinateurs dans le livre, Mike MAYHEW et Mico SUAYAN. Ça a été incroyablement fun à écrire, mais aussi très difficile ! J’ai fait une tonne de recherches. J’ai travaillé dessus pendant presque deux ans avant de le pitcher. Ensuite, même si j’avais l’impression que ça fonctionnait, j’ai compris que j’avais encore à travailler sur de nombreux autres détails.

Votre carrière en prose a-t-elle seulement concerné du young adult ? Ou avez-vous écrit des livres plus sombres, plus adultes, comme celui-ci ?
J’ai été nommée pour deux prix Stoker en young adult, et ensuite j’ai réalisé quelques nouvelles pour des anthologies pour adultes. Ma sensibilité me conduit plutôt vers le young adult, mais mon consultant Ed KURZ me dit que j’en connais largement trop sur les serial killers pour quelqu’un qui n’est ni un serial killer ni un psychiatre. J’ai toujours eu cette envie d’écrire un livre sombre à propos d’un tueur en série, mais comme j’ai été professeur pendant 17 ans, je sais quand ça devient trop sombre pour un public lecteur de young adult. Particulièrement quand mes romans adolescents visent en général un public de 12 ans et plus. Bien sûr, peut-être que quelqu’un de 17 ans serait ok avec ça, pour autant ça ne veut pas dire qu’à 13 ans on est prêts à voir ce genre de scènes de crime. Mais j’avais ce projet pour adultes qui me trottait dans la tête depuis longtemps.

Votre expérience de la rédaction de TEEN TITANS – RAVEN pour la ligne young adult et celle de JOKER/HARLEY : CRIMINAL SANITY, une mini-série DC Black Label, ont-elles été très différentes ?

C’est beaucoup plus dur d’écrire du périodique. Le script d’un roman graphique ressemble beaucoup à un roman pour moi. J’aime écrire des dialogues, j’aime écrire de l’action, donc c’est pour moi une version encore plus fun d’un roman en prose. Mais un périodique est quelque chose de vraiment différent, et je le savais en m’y attaquant. J’ai lu tous les livres sur comment en écrire. J’ai parlé avec Brian Michael BENDIS, qui m’a donné beaucoup de conseils. J’ai aussi parlé avec Tom KING. Mais leurs conseils donnent l’impression que c’est vraiment facile car ils excellent dans ce domaine.
Je ne me faisais pas d’illusions. Je pensais que ça allait être difficile, et ça l’a vraiment été. C’est beaucoup plus proche de la série télévisée. Mais le plus important pour moi était que chaque épisode comprenne tous les fils de trame. Je voulais faire monter les enjeux. Et je voulais vraiment que chaque épisode soit meilleur que le précédent. Molly MAHAN était à l’origine mon éditrice, elle a depuis été remplacée par Kristy QUINN. Si je ne les avais pas à mes côtés, ainsi que les dessinateurs qui sont de vrais professionnels, je n’aurais jamais pu y arriver. Il fallait que je leur pose des questions en permanence sur comment faire fonctionner certaines choses. Ils sont vraiment pour moi des experts sur la mise en forme.

Avez-vous l’habitude de jongler entre les projets ? Vous le faites souvent ?

Pas vraiment, mais c’est plus simple car il s’agit de scripts. Je n’aime pas écrire des transitions, ni de longues descriptions. C’est une des choses que j’aime à propos des romans graphiques, le dessinateur raconte aussi l’histoire. J’ai seulement à prendre une partie de la charge. Je suis toujours épatée de constater à quel point les artistes travaillant sur les comics et les romans graphiques de DC sont talentueux. Mes dessinateurs sont incroyables. J’ai juste à écrire quelques descriptions pour qu’ils comprennent la situation, puis je livre les dialogues et l’action. C’est facile pour moi car je suis douée pour les dialogues. Si j’avais à écrire un roman en prose en parallèle, je pense que ça serait vraiment difficile. Tu dois être dans un autre état d’esprit. Je ne suis pas une grande fan de la rédaction d’un roman traditionnel, ce n’est pas la partie que je préfère. La rédaction de romans graphiques et de séries est beaucoup plus fun !

Et donc, est-ce que vous déconseillez la lecture de CRIMINAL SANITY le soir ?

Je pense que ça dépend. Ce n’est pas un slasher. C’est un thriller psychologique avec du suspense. Si vous aimez ce genre de choses, alors vous pouvez le lire le soir. Mais si vous avez facilement peur, vous devriez probablement le lire en journée.
1 . Responsable de la ligne young adult de DC jusqu’en 2021.

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Profiler de renom, Harleen Quinzel est embauchée par le GCPD pour enquêter sur une vague de crimes particulièrement sordides. Mais elle est elle-même hantée par une affaire passée lorsque sa colocataire a été sauvagement assassinée par le tueur en série surnommé le Joker.

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