La deuxième moitié des années 1980, et en particulier l’année 1987, constitue une période charnière pour l’Univers DC et pour Batman en particulier. La maison d’édition a transformé le paysage éditorial avec des oeuvres désormais classiques, à l’exemple de THE DARK KNIGHT, réinvention de Batman par Frank MILLER parue de juin à décembre 1986, ou de WATCHMEN, d’Alan MOORE et Dave GIBBONS, dont la publication s’étale de septembre 1986 à octobre 1987.

Mais pour les lecteurs de longue date, qui suivent les aventures des justiciers costumés depuis des décennies, le véritable électrochoc intervient quelques mois plus tôt, à l’occasion de la parution de CRISIS ON INFINITE EARTHS (coll. DC Essentiels), une série en douze épisodes écrite par Marv WOLFMAN et illustrée par George PÉREZ, dont le premier chapitre est daté d’avril 1985. Pendant un an, les deux auteurs, qui ont déjà porté les justiciers juvéniles de la série NEW TEEN TITANS (coll. DC Essentiels) au sommet de leur popularité, raconteront l’assaut de l’Anti-Monitor puis la destruction progressive des Terres alternatives composant le Multivers. À la
fin de cette saga, il ne restera qu’une Terre sur laquelle se réfugieront les survivants des différents mondes. L’histoire de l’humanité et la continuité de l’Univers DC sont par conséquent réécrites, intégrant par exemple les exploits de la Société de Justice dans le passé, ses membres servant de mentors à des héros plus jeunes, eux-mêmes formant la Ligue de Justice.

Les conséquences de cette intrigue cosmique ambitieuse se font sentir à un niveau éditorial. En effet, pour la rédaction, c’est l’occasion de redéfinir les personnages à destination d’un public nouveau, et ce dès la fin de l’année 1986. Au fil des mois, de nombreuses séries sont lancées, repartant du numéro 1. Certains personnages
reprennent le flambeau de leurs aînés, à l’exemple de Flash, Wally West s’inspirant de Barry Allen.
En outre, DC confie les rênes de ses personnages à des auteurs de premier plan. C’est ainsi que John BYRNE contribue à moderniser Superman (à lire dans SUPERMAN : MAN OF STEEL, coll. DC Essentiels), tandis que George PÉREZ se charge de donner à Wonder Woman une nouvelle jeunesse (WONDER WOMAN : DIEUX ET MORTELS, coll. DC Essentiels). Par ailleurs, Green Arrow est refaçonné par Mike GRELL (GREEN ARROW : THE LONGBOW HUNTERS, coll. DC Confidential), Hawkman est redéfini par Tim TRUMAN, le nouveau Flash démarre sa carrière en trombe grâce à Mike BARON et Jackson GUICE, la Suicide Squad adopte une nouvelle formule sous l’impulsion de John OSTRANDER (LES ARCHIVES DE LA SUICIDE SQUAD, coll. DC Classiques), et la Ligue de Justice connaît une période faste grâce au talent de Jean-Marc De MATTEIS, Keith GIFFEN et Kevin MAGUIRE (JUSTICE LEAGUE INTERNATIONAL, coll. DC Essentiels).

Batman n’est pas en reste. Le protecteur de Gotham City est alors la vedette de deux séries mensuelles, DETECTIVE COMICS et BATMAN, qui déclinent respectivement ses aventures depuis 1939 et 1940. Datés d’octobre 1986, DETECTIVE COMICS #567, par Harlan ELLISON et Gene COLAN, et BATMAN #400, écrit par Doug MOENCH et illustré par un escadron des meilleurs dessinateurs du moment, sont les derniers numéros supervisés par Len WEIN, qui cède sa place à Dennis O’NEIL à partir d’octobre 1986. Cela
fait plus de vingt ans que ce dernier travaille dans la bande dessinée, en tant que scénariste ou à titre de responsable éditorial. Venu de Marvel où il encadrait notamment le scénariste et dessinateur John BYRNE sur les séries Alpha Flight puis Hulk, Dennis O’NEIL n’est pas étranger au monde interlope de Gotham City. En effet, au début des années 1970, il a durablement marqué les séries consacrées au Chevalier Noir, travaillant en tandem avec des dessinateurs comme Irv NOVICK, Bob BROWN ou encore le légendaire Neal ADAMS.

C’est d’ailleurs avec ce dernier qu’il met en scène la saga d’un des plus grands ennemis de Batman : Ra’s al Ghul (à lire dans BATMAN : TALES OF THE DEMON, coll. DC Archives) !
Dans le nouveau paysage éditorial façonné par CRISIS ON INFINITE EARTHS, O’NEIL a pour mission de moderniser Batman. Le personnage a déjà, dans le passé, subi de semblables transformations. Au milieu des années 1960, sous l’impulsion du responsable éditorial Julius SCHWARTZ, il adopta un nouveau look avant de se plonger dans des enquêtes criminelles plus proches de ses racines liées au roman noir. Ce retour aux racines pulp qui préfigurèrent ses origines permet au personnage de s’adapter
à un monde en transition et de marquer durablement sa « renaissance » par un ton plus sombre et plus violent. Depuis les étourdissants épisodes de DETECTIVE COMICS réalisés par Steve ENGLEHART et Marshall ROGERS dans les années 1970 (BATMAN DARK DETECTIVE, coll. DC Essentiels), la faune de Gotham City s’est enrichie de figures inoubliables, dont le Docteur Hugo Strange, psychiatre manipulateur, ou encore Rupert Thorne, homme d’affaires douteux. Leurs successeurs, parmi lesquels les scénaristes Gerry CONWAY, Len WEIN ou Doug MOENCH, ajouteront de nouveaux acteurs à cette saga, dont le maire corrompu Hamilton Hill, ou des super-vilains à l’exemple de Killer Croc ou Black Mask. Tout ceci compose une vaste toile dans laquelle les personnages progressent de manière cohérente à travers des intrigues courant sur plusieurs épisodes, une véritable innovation pour l’époque. Le héros lui-même connaît une évolution, discrète mais évidente : Dick Grayson, le premier Robin, est devenu Nightwing, volant de ses propres ailes à la tête des Teen Titans avant d’être remplacé par un nouveau Robin – Jason Todd – et le Protecteur de Gotham s’est
rapproché de la voleuse Catwoman, qui n’est pas insensible au charme ténébreux du justicier.

Sans remettre en question toute cette évolution, la réfection de la continuité DC à la suite de CRISIS ON INFINITE EARTHS nécessite que le nouvel editor, Dennis O’NEIL, tienne compte de ces avancées tout en modernisant l’ensemble.
Les bouleversements éditoriaux attirent de nouveaux lecteurs, à l’attention de qui il faut rendre le microcosme de Gotham City à la fois attrayant et mystérieux.
Responsable des deux séries, O’NEIL recrute de nouvelles équipes d’auteurs susceptibles de redéfinir Batman à l’aune de cette nouvelle ère.
Pour la série BATMAN, après l’épisode 401 écrit par Barbara RANDALL et illustré par Trevor VON EEDEN, son choix se porte sur Max Allan COLLINS.
Les romans policiers de ce dernier connaissent un succès grandissant. Il est également le scénariste du comic strip consacré au policier Dick Tracy, célèbre figure de la bande dessinée américaine.
Il est tout indiqué pour créer une atmosphère de mystère autour du Chevalier Noir.

Sous la supervision du nouvel editor, les séries BATMAN et DETECTIVE COMICS développent des tonalités différentes. La première se concentre sur les aventures du justicier en solo, s’interrogeant sur l’influence qu’il exerce sur la société, les médias et les criminels, tandis que l’autre titre est consacré aux enquêtes qu’il mène avec Robin face à des super-vilains hauts en couleur, couvrant ainsi tous les aspects du mythe.
Ayant mis en place une nouvelle écurie d’auteurs, Dennis O’NEIL est en mesure de redéfinir le monde du Chevalier Noir dans les pages de BATMAN, ouvrant une nouvelle ère riche de promesses pour le héros… et pour ses lecteurs.

L’équipe URBAN COMICS

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Après le départ de Dick Grayson, Batman se retrouve sans un Robin, jusqu’au jour où il croise la route de Jason Todd, un gamin des rues qui tente de lui voler les roues de sa Batmobile ! Après avoir défait une organisation criminelle, le Dynamique Duo est à nouveau réuni pour affronter les plus grandes menaces qui planent sur Gotham dont le Pingouin ou Gueule d’Argile.

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