Horizons Obliques est un réel voyage à travers un univers aux multiples dimensions ! Plongez aux côtés de l’auteur, Richard Blake, dans l’univers de Horizons Obliques avec Adley et Staden !

Découvrez le dessin sublimissime de Horizons Obliques ici et en librairie !

François SCHUITEN
Ce récit m’apparaît comme celui d’un auteur qui semble avoir une vraie expérience de la bande dessinée. Votre cadrage et, plus largement, le langage visuel développé dans votre mise en scène, votre emploi d’ellipses, les mouvements dans la planche et dans la case, me semblent particulièrement au point. Cette maîtrise témoigne déjà d’une très grande expérience, d’où mon étonnement sur le fait que ce soit votre premier livre. Comment avez-vous développé votre processus de travail, qui me semble extrêmement précoce pour un premier album ? D’où vient cette maturité et comment l’expliquez-vous ?
Richard BLAKE
Merci, François. Une grande partie de ce livre a été un processus d’apprentissage pour moi, même si cela ne semble pas être le cas ! Avant de faire de la bande dessinée, j’exposais exclusivement mes toiles dans les galeries d’art de New York. Mais même à cette époque, je réfléchissais aux structures narratives et à la manière dont les peintures pouvaient être liées les unes aux autres et racontaient une sorte « d’histoire », même si elle n’était pas directe ou linéaire. Bien sûr, la bande dessinée ne m’était pas inconnue, et j’avais d’ailleurs lu votre travail et celui d’autres auteurs européens, mais j’étais alors de l’avis que ma force était la peinture de grandes images singulières, aussi ai-je continué dans cette voie. Ce n’est que lorsque je me suis mis à travailler dans le cinéma, et plus particulièrement comme artiste de storyboard, que les incroyables possibilités offertes par l’art séquentiel me sont apparues. L’idée de pouvoir créer des mondes et des récits entiers sans avoir besoin, comme au cinéma, d’une équipe complète, a fait de la bande dessinée une perspective créative incroyablement excitante à mes yeux.

Une fois décidé à m’engager dans cette voie, j’y ai consacré toute mon énergie et tout mon temps.
J’ai passé plusieurs années à dessiner dans des carnets de croquis, à me concentrer sur une approche spécifique et à étudier d’autres bandes dessinées avant de réaliser la moindre page. Finalement, j’ai commencé à produire quelques courtes séquences, mais quand j’ai clairement défini ce que deviendrait Hexagon Bridge (titre original —NdE), je me suis entièrement consacré à cette histoire, appliquant tout ce que j’avais appris au cours de mes tâtonnements précédents. J’ai dessiné de nombreuses pages trois ou quatre fois avant d’être satisfait, et il m’a fallu un certain temps avant de me sentir à l’aise avec mon approche.

Je pense que ce qui m’a poussé à continuer, c’est encore une fois l’envie de créer des univers entiers avec des outils aussi simples que la plume et l’encre. Il y a très peu de supports visuels qui offrent autant de possibilités narratives que la bande dessinée. Les seules limites, me semble-t-il, sont celles que l’on s’impose.
C’est une question que je me suis souvent posée : est-ce un constat similaire qui vous a mené à développer Les Cités obscures sous la forme d’une bande dessinée, plutôt que sous la forme d’un film, par exemple ? La liberté de pouvoir construire des mondes et raconter des histoires presque immédiatement a-t-elle été pour vous la source d’un enthousiasme similaire, aux premières heures de votre série ?


François SCHUITEN
Les histoires que j’ai conçues avec mes différents collaborateurs ont effectivement toujours été pensées pour la bande dessinée et sa narration graphique. Je ne me suis jamais senti metteur en scène de cinéma, et je ne suis pas sûr d’avoir envie de le devenir. J’ai même tendance à me méfier du rapprochement parfois trop évident que certains font entre bande dessinée et cinéma. S’il fallait rapprocher la bande dessinée d’un autre art, je ferais plus volontiers un parallèle avec la scène et son espace opératique, voire chorégraphique.
La deuxième chose qui me frappe dans votre oeuvre, c’est l’élégance du style graphique. Il y a une forme de retenue, mais également une très belle stylisation des personnages ainsi que de l’univers. Est-ce un style que vous avez développé spécialement pour la bande dessinée, ou le retrouve-t-on également dans vos tableaux ? Autrement dit : quelle continuité retrouve-t-on entre vos peintures et cet album ?

Richard BLAKE
Cette approche esthétique, qui contient un certain degré d’éléments minimalistes, a été présente dans mon travail très tôt. C’est l’influence de mon père. Il a étudié la peinture pendant un certain temps et s’intéressait beaucoup aux artistes minimalistes comme Ellsworth KELLY, Mark ROTHKO et Agnes MARTIN. Ce sont les premiers livres d’art avec lesquels j’ai été en contact enfant, et ils m’ont profondément marqué, comme vous pouvez le deviner en regardant mon travail actuel. Bien plus tard, lorsque j’ai découvert la peinture figurative, j’ai constaté que j’étais surtout intéressé par les œuvres dont les éléments spatiaux prévalaient sur le reste de la composition, comme celles de Vilhelm HAMMERSHØI, Francis BACON et Antonio LÓPEZ GARCÍA, par exemple.

Cette contrainte formelle est très présente chez tous ces artistes. L’orchestration, même d’éléments sous-jacents chaotiques et violents, se fait de manière élégante. De la même manière, il y a dans les bandes dessinées une structure inhérente à la disposition des planches qui favorise cette contrainte particulière. Comme dans un morceau de musique composé avec précision, les événements peuvent s’y dérouler avec lenteur et élégance, ce qui favorise la mise en exergue d’une relation spatiale unique entre les images sur la page.

François SCHUITEN
Ce qui m’a également beaucoup intéressé, c’est le rapport au vide et au silence. Il y a là un emploi du rythme et du temps qui me parle en tant qu’auteur. J’y décèle comme une conviction, une prise de position dans l’écriture de la bande dessinée. Vous ne cherchez pas à remplir à tout prix. Au contraire, vous jouez avec ces espaces et avec cette temporalité tout à fait hors du commun. Quel plaisir avez-vous pris à établir ce rythme si particulier ? En étiez-vous conscient ?

La suite de l’entretien dans le récit Horizons Obliques dès maintenant en librairie.

Horizons Obliques

Il y a plusieurs années, Jacob et Elena Armlen, un couple d’explorateurs, se sont retrouvés piégés dans une étrange dimension parallèle aux paysages insaisissables, à l’architecture changeante, peuplée d’entités malicieuses, laissant derrière eux leur fille en bas âge, Adley. Bien des années plus tard, Adley a grandi mais n’a jamais oublié ses parents. Dotée d’un pouvoir de clairvoyance et accompagnée de Staden, un robot à la sensibilité très humaine, elle se lance à leur recherche.
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