Pour l’Amérique, 1946 se lève sur un monde plein de promesses et d’opportunités. La Seconde Guerre mondiale s’est terminée, les troupes rentrent au pays, et cette nation victorieuse peut désormais exporter son mode de vie sur l’ensemble du globe. Pour Batman et Robin, c’est également la fin d’une époque puisque leur créateur Bob KANE, en termine avec sa dernière grande oeuvre sur les héros : le strip de presse qui durait depuis 1943. Le 2 novembre 1946 voit en effet la fin de la bande quotidienne de Batman, distribuée par le McClure Syndicate. Le dimanche précédent (le 27 octobre), c’était le magnifique Sunday Strip, tout en couleurs, qui tirait sa révérence. Malgré leur durée limitée, ces deux productions sont importantes à plus d’un titre de par les auteurs concernés et les éléments introduits. Rappelons en effet qu’il s’agit de la série dans laquelle on découvre pour la première fois la version « maigre » d’Alfred (en contraste avec le majordome grassouillet des comic books) et qu’on y voit nommée pour la première fois la « Batcave ». Débuté en parallèle de la sortie du serial Batman, ce comic strip fit énormément pour la notoriété du Duo Dynamique. Il était en outre réalisé par le dessinateur original des héros, Bob KANE, qui se trouvait associé à celui qui allait devenir l’encreur privilégié de Batman durant vingt ans : Charles PARIS. Le duo KANE / PARIS va donc dessiner la majeure partie des histoires du strip. A contrario, sur les planches en couleur du dimanche, on retrouve le dessinateur Jack BURNLEY. Cet ancien illustrateur sportif aura une carrière courte mais importante dans l’histoire du comic book.
De 1940 à 1947, il aura dessiné les plus grands héros : Superman et Batman bien sûr (qu’il associera sur les premières couvertures de World’s Finest Comics), mais également Starman et la Société de Justice d’Amérique, dont il se charge dans quelques numéros d’All Star Comics. BURNLEY aura apporté un soin particulier à l’anatomie des héros, jusqu’à donner une certaine grâce à ses planches, notamment dans celles des scènes d’action. superbes planches du dimanche, doivent énormément à ses décors minutieux et à ses choix de cadrages et d’éclairages. De plus, dans ces mêmes strips, BURNLEY aura eu l’occasion de dessiner les plus grands ennemis de Batman : à savoir Catwoman, le Joker, le Pingouin et même Double-Face, dont la tragique histoire était modifiée.
En effet, dans cette aventure, l’avocat Harvey Dent y était remplacé par Harvey Apollo un acteur cabotin qui finissait lui aussi à moitié défiguré. Dans les strips quotidiens toutefois, l’accent était mis sur des enquêtes plus terre-à-terre, dans lesquelles Batman et Robin affrontaient des gangsters que n’aurait pas reniés le Dick Tracy de Chester GOULD (une des influences revendiquées de Bob KANE). Seul le Joker eut droit à une apparition, tout comme le professeur Radium, éphémère vilain du comic book, qui apparait dans la dernière séquence du strip (du 23 septembre au 2 novembre 1946). Qu’il s’agisse des bandes quotidiennes ou des planches du dimanche, Batman et Robin étaient alors servis par leurs meilleurs scénaristes, notamment Alvin SCHWARTZ et son regard amusé sur le quotidien, ou Bill FINGER et ses machinations inventives et retorses. Enfin, dans les comic books, Batman et Robin poursuivent leurs aventures, dessinées par Dick SPRANG, Jerry ROBINSON, ou Win MORTIMER. Bob KANE fait son retour dans Batman #35 (juin-juillet), encré par Ray BURNLEY, pour ce qui sera sa dernière période, abandonnant progressivement le dessin à ses assistants. Dans ce numéro, il signe d’ailleurs un épisode important de la mythologie, puisqu’on y voit apparaître le dinosaure mécanique qui est depuis exposé dans la Batcave. D’autres épisodes notables de l’année, montrent Batman et Robin assister Robin des Bois (Detective Comics #116) ou les chevaliers de Camelot (Batman #36), et bricoler un nouveau Batplane propulsé par réacteurs (Detective Comics #108). Mais leur plus dangereux opposant reste néanmoins le Joker qui apparaît quasiment dans chaque numéro de Batman, jusqu’à lui voler la vedette et son style en couverture du numéro 37, s’inventant tout un attirail plagié sur celui du justicier.