Les gens s’imaginent souvent que PUBLIC DOMAIN est une œuvre très personnelle pour moi. C’est sans doute vrai à un certain niveau.


Mais en grande partie, cela reste un travail de composition. Certes, j’ai œuvré pour les grandes compagnies de comics nord-américaines. Mais je ne me suis jamais trouvé dans une situation où je me serais senti injustement exploité, comme par exemple en percevant une rémunération médiocre contre l’adaptation (lucrative) de mes travaux dans d’autres médias. Et honnêtement, si cela devait arriver, je ne m’en émouvrais pas.
On connaît maintenant depuis longtemps la façon dont les grands créateurs ont été traités dans ce secteur de la BD américaine. Cela fait partie de son passé et de son présent, et je le savais en m’y engageant.

Je connaissais l’histoire de tous ces auteurs qui offrirent jadis contre un maigre salaire des créations pérennes qui pèsent aujourd’hui des milliards et qui, une fois leur style passé de mode, se virent confrontés à la précarité, sans assurance ni chômage. Et comme je savais tout cela, j’ai toujours veillé à consacrer une grande partie de mon énergie à des créations dont je détiendrais la propriété (partagée avec mes collaborateurs directs).

Sex Criminals, Kaptara, NEWBURN et l’album que vous tenez en mains, PUBLIC DOMAIN, tout cela est à moi. Scénariser  BATMAN, c’est cool, mais scénariser et dessiner PUBLIC DOMAIN est un trésor qui m’appartiendra jusqu’à ma mort, et qui appartiendra à ma famille une fois qu’elle m’aura tué.

Vous saisissez ? Les grandes compagnies de comics, ce n’est pas ça qui m’inquiète. Ce qui m’inquiète, c’est mon frère sournois, ma fourbe épouse, mes perfides fils Chad (5 ans), Charles (7 ans), Chip junior (10 ans), Chucky (13 ans) et Champ (29 ans). Posséder tout un catalogue de personnages, c’est être assis sur une mine d’or, mes proches le savent bien, et ils feront tout pour obtenir ce qu’ils n’ont pas mérité. Croyez-vous que ce soit pour avoir revampé Bucky chez Marvel qu’Ed BRUBAKER craint d’être étouffé dans la nuit par sa charmante épouse Mel ? Bien sûr que non. C’est sa lucrative collection de polars éminemment adaptable sur les écrans qui le fait dormir d’une seule oreille.
Donc, oui, PUBLIC DOMAIN est une œuvre personnelle. Je ne toucherai sans doute jamais rien pour avoir inventé ce nouveau personnage ultra-cool, « Batman 2099 », mais la simple création de cette série et de ces personnages que je possède a mis ma vie en danger.

J’espère que ça vous plaira.

— Chip ZDARSKY

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Découvrez Public Domain tome 1

Syd Dallas est un auteur de comics légendaire, responsable du plus grand héros de la culture pop : THE DOMAIN ! Mais ses fils Miles et David ont une relation compliquée aussi bien avec le créateur qu’avec sa création. Pourront-ils convaincre leur père de se battre pour l’héritage de leur famille, dans un système qui veut s’accaparer leur création et ne leur laisser que les miettes ?

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