Les grandes villes en Inde sont si familièrement chaotiques. Il s’y passe toujours quelque chose, à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, et vous pouvez rencontrer toutes sortes de gens. En même temps, il y a tellement de monde là-bas, et les rues, comme les bâtiments, sont si bondées qu’il est impossible de se rendre quelque part sans tomber sur quelqu’un d’intéressant.

Je ne me suis rendu qu’une seule fois en Inde et la grande ville en question, c’était New Delhi et pas Bombay, mais le chaos bouillonnant qui y régnait était aussi enivrant et inspirant d’un point de vue créatif que ma propre ville de Sao Paulo. Soudain, on se met à établir intérieurement des connexions sur la richesse des couleurs qui nous entourent. On remarque que la teinte sombre et chaude de la peau des habitants est la même que celle des murs de leurs temples. Et que les couleurs de leurs yeux sont du même exotisme que celles des nombreuses pierres précieuses qu’on peut trouver sur la place du marché. La diversité des grandes villes est un reflet de celles, hautes en couleur, du pays.

Le contraste entre les différentes classes, avec les super riches et les super pauvres, m’est aussi très familier et de nombreuses histoires que j’ai lues avec l’Inde pour toile de fond auraient très bien pu se dérouler au Brésil. Surtout parce que, en dépit de toutes les différences, des difficultés et des problèmes, les gens vont toujours chercher à célébrer la vie au quotidien, avec leurs familles, leurs amis, leurs événements culturels et leurs cérémonies spirituelles. Parfois, je suis surpris de voir comment ils parviennent à trouver de la joie et du bonheur dans des circonstances aussi difficiles, entourés d’autant de tragédies. C’est presque magique.

Et c’est l’impression que donne cette bande dessinée. Magique.

Dans les histoires magiques telles que celle-ci, tout est question d’éblouir suffisamment le lecteur pour qu’il baisse la garde. C’est la base de la magie, distraire le public pour qu’il ne regarde pas l’endroit où tout se joue. J’ai été ébloui par le dessin fluide et relâché de Filipe, et avant de m’en rendre compte, j’étais plongé dans ce monde, j’avais oublié que je lisais une bande dessinée et me suis seulement concentré sur les personnages et l’univers auxquels je m’étais attaché. Et puis, alors que j’avais baissé la garde, c’est là que le récit m’a saisi sans que je le réalise. C’est là que je me suis heurté au cœur de l’histoire comme on tombe sur un ami à une fête. Et comme c’est une fête spéciale qu’on n’oubliera jamais, on sait qu’on aura toujours cette connexion inaltérable avec cet ami. Le cœur de cette histoire nous saisit et soudain, c’est à travers les yeux de ces personnages, à travers leurs existences, que l’on voit sa propre vie, sa propre histoire. C’est comme regarder cet ami dans les yeux, à cette fête, et se voir soi-même dans son regard. Et l’on peut être heureux ou triste, abattu ou excité, mais quoi que l’on puisse ressentir, on se dit qu’on est bel et bien vivant.

Vivant et entouré d’amis.

Je me rappelle distinctement m’être senti particulièrement vivant à une fête, une fois, entouré d’amis. J’étais à San Diego pendant la Comic Con, et je venais de remporter une récompense pour un roman graphique j’avais réalisé, DAYTRIPPER. C’était un ouvrage qui m’était très cher, aussi cette récompense avait-elle quelque chose de spécial. J’étais tellement heureux. D’autant qu’il y avait beaucoup d’amis avec moi pour fêter ça. Des amis qui étaient heureux pour moi, qui étaient heureux avec moi. Et, au milieu de cette petite bulle de bonheur, alors qu’on passait toute la nuit à déambuler de bar d’hôtel en bar d’hôtel dans le quartier de Gaslamp, il y avait Filipe, un Portugais au milieu des Brésiliens, séparés par un océan mais liés par une même langue natale. Il fêtait ça avec nous et devenait partie intégrante de cette soirée et de ce souvenir qui sera toujours cher à mon cœur .

C’est amusant comme la vie peut relier les gens. C’est presque magique. Dans les pages de cette bande dessinée, la vie a quelque chose de magique, c’est indéniable. De la meilleure des manières, et on se sent farouchement vivant en la lisant.

Vivant et entouré d’amis.

Fabio Moon

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Toutes les morts de Laila Starr
Mumbai, de nos jours. Mme Shah, en plein travail et coincée dans un embouteillage, hurle sur son mari au téléphone. Laila Starr, une jeune femme déjà fatiguée de tout, est allongée sur le rebord d’une fenêtre ouverte, plusieurs étages au-dessus du trafic. Et plus haut encore, bien au-delà des nuages, la déesse de la Mort est convoquée dans le bureau de son patron. Ces trois destins se rejoignent au moment où, simultanément Laila saute dans le vide, Mme Shah donne naissance à son fils Darius, et la Mort est renvoyée sans ménagement. Dans un futur, Darius est en effet celui qui découvrira le secret de l’immortalité et reléguera la Mort au rang de désagréable souvenir. Mais la Mort, incarnée dans le corps sans vie de Laila, compte bien retrouver sa place, même si elle doit pour cela éliminer le jeune Darius. Du moins, c’était le plan avant qu’un camion ne la fauche et qu’elle ne se retrouve à nouveau ressuscitée quelques années plus tard…

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