Le Sphinx est le dernier vilain classique de la galerie d’ennemis de Batman à avoir fait sa première apparition dans les années 1940.

Dans deux épisodes sortis à deux mois d’intervalle, le scénariste Bill FINGER et le dessinateur Dick SPRANG conçoivent un criminel qui représente la quintessence de l’écriture « fingerienne » en ceci qu’il utilise de nombreuses énigmes et références pour tenir Batman et Robin en haleine. De la même manière que le scénariste était un rat de bibliothèque et un féru d’anecdotes qu’il gardait dans un carnet en prévision de nouvelles histoires, le Sphinx multiplie les astuces et jeux d’esprit, créant des pièges à première vue implacables.

Malgré tout, ces deux apparitions resteront les seules jusqu’aux années 1960. Peu de temps avant les débuts de la série télévisée de 1966 consacrée au héros, le Sphinx fait un retour triomphal dans les pages de BATMAN #171 de 1965, Gardner FOX et Sheldon MOLDOFF, au scénario et au dessin, ressortent le personnage et le confrontent au Batman « New Look » (celui élaboré selon les directives du responsable éditorial Julius SCHWARTZ et remanié par le dessinateur Carmine INFANTINO avec l’ovale jaune comme emblème). Cet épisode, ainsi que les deux histoires de Bill FINGER et Dick SPRANG vont servir de base pour les apparitions télévisées du criminel. Interprété par Frank GORSHIN, le Sphinx devient le premier et le plus mémorable super-vilain de la série. Son mode opératoire comprenant des énigmes et des traquenards improbables sera repris par l’ensemble des autres adversaires que Batman et Robin affronteront.

De même, le jeu outrancier et frénétique de GORSHIN va donner le « la » pour les interprètes de ces ennemis. Si John ASTIN (Gomez Addams dans la série télévisée La Famille Addams) remplace GORSHIN un temps pendant la deuxième saison, ce dernier revient dans la troisième, interprète une chanson à la gloire du vilain, et prêtera même sa voix au personnage dans divers dessins animés. Car, désormais, le Sphinx, pour le grand public, trône au sommet des vilains de Batman, juste en dessous du Joker, mais à égalité avec Catwoman, le Pingouin ou même Double-Face, qui n’a pas bénéficié d’une apparition dans la série TV. Le personnage fait de nombreuses allées et venues dans les pages des comics, sa personnalité renvoyant directement à l’interprétation de GORSHIN et au côté bondissant de la série. De fait, comme pour le Pingouin, les années 1980 et le tournant « grim and gritty » du héros et de son univers vont mettre à mal le vilain. Comme le démontre Neil GAIMAN dans sa très belle histoire « Quand est une porte ? », hommage au côté surréaliste des BD de Bill FINGER et de la série TV, le Sphinx et ses machinations démentielles ont bien du mal à se faire une place aux côtés des tueurs psychotiques qui parcourent les ruelles mal famées de Gotham.

En 1990, dans Sombre Chevalier, Sombre Cité (disponible dans GRANT MORRISON PRÉSENTE BATMAN INTÉGRALE Tome 3), le scénariste Peter MILLIGAN et le dessinateur Kieron DWYER vont néanmoins parvenir à appliquer les recettes habituelles du Sphinx (course-poursuite à travers la ville au gré des énigmes) à une version plus horrifique, en le rattachant à un rite démoniaque. Puis, en 1995, la sortie en salles de BATMAN FOREVER de Joel SCHUMACHER remet le Sphinx en lumière, puisque la superstar comique de l’époque, Jim CARREY l’incarne dans toute sa démesure. Deux one-shots sortent la même année pour profiter de l’exposition médiatique : un Annual de DETECTIVE COMICS écrit par Chuck DIXON et dessiné par DWYER, et un récit complet de Matt WAGNER et Dave TAYLOR. Dans ces deux histoires, l’équilibre est maintenu entre une représentation classique du Sphinx et un ton plus moderne.

Au tournant des années 2000, le Sphinx est à nouveau un vilain bien ancré dans la mythologie de Gotham même s’il est celui qui évoque la plus la série télévisée du fait de son passif. Ainsi, dans BATMAN – SILENCE (2002), le scénariste Jeph LOEB et le dessinateur Jim LEE vont multiplier les clins d’œil à cette version lors de l’épisode mettant en scène Edward Nigma, Batman y fait équipe avec Nightwing (Dick Grayson, le Robin de la série TV), et on les voit foncer à la Batcave vers une Batmobile, comme dans l’ouverture des épisodes de 1966. De plus, le Sphinx semble au départ, le seul vilain relativement inoffensif. Mais ce n’est qu’un écran de fumée dont Jeph LOEB use pour masquer la machination ourdie par ce même Sphinx, qui se trouve être, dans le dernier chapitre, le cerveau derrière toute l’opération de Silence. On y apprend même qu’après avoir utilisé un puits de Lazare de Ra’s al Ghul pour se guérir d’un cancer incurable, il a percé à jour l’identité secrète de Batman.

Cette version du personnage, moins souriante, devient un temps la norme jusqu’aux événements d’INFINITE CRISIS (2006). C’est ensuite Paul DINI qui offre une version savoureuse du Sphinx en détective privé de la haute société (à lire dans PAUL DINI PRÉSENTE BATMAN). Ayant perdu le souvenir de l’identité de Batman, Edward Nigma redevient un vilain plus drôle mais aussi moins dangereux Il n’en reste pas moins que son intelligence et son ego l’incitent souvent à profiter de la situation et à tenter de contourner la loi pour son profit. Le Sphinx fait également des apparitions du côté des SIRÈNES DE GOTHAM, série écrite également par Paul DINI, dans laquelle il croise la route d’Harley Quinn, de Catwoman et de Poison Ivy.

Avec les événements de FLASHPOINT et du New52 en 2011, c’est au tour de Scott SNYDER et de Greg CAPULLO, le scénariste et le dessinateur de la série BATMAN de l’ère Renaissance, de remanier le personnage. Il devient le vilain principal de BATMAN – L’AN ZÉRO, soit le premier que Batman affronte après le gang du Red Hood, et parvient à tenir toute la ville en otage, la transformant en véritable jungle urbaine. Après ce coup d’éclat, c’est au tour du scénariste Tom KING et du dessinateur Mikel JANÍN, de révéler un autre méfait passé du Sphinx et de sa « Guerre des rires et des énigmes » contre le Joker. Ces deux récits replacent le Sphinx comme un danger potentiel pour un Batman toujours plus imposant. De plus, le Sphinx est le super-vilain choisi par Geoff JOHNS et Gary FRANK pour tenir la vedette du deuxième tome de BATMAN TERRE-UN. Dépeint comme un terroriste maîtrechanteur, il ne prête pas à rire mais représente les peurs profondes ancrées dans l’esprit citadin du vingt-et-unième siècle. C’est également un moyen pour les auteurs de remettre au cœur de l’intrigue les talents de détective de Batman et de le pousser ainsi à bout dans sa mission de protecteur de Gotham.

Cet angle d’attaque du récit de détective semble être également celui adopté par le réalisateur Matt REEVES et le scénariste Mattson TOMLIN pour le film prévu en 2022, THE BATMAN. D’après les informations à ce jour disponibles, Paul DANO y interpréterait une version pour le moins terrifiante du Sphinx. Une nouvelle étape dans la carrière d’un criminel capable d’en remontrer au justicier sur le terrain de l’intelligence, comme un double maléfique déformé et ricanant.

Découvrir Le Sphinx

batman-arkham-le-sphinx

Quel est le seul ennemi de Batman à pouvoir rivaliser avec son cerveau brillant ? Qui est capable de maintenir une ville en état de terreur avec de simples puzzles ou mots croisés ? Qui fait des allers-retours incessants à l’Asile d’Arkham et semble pour le moins irrécupérable ? Les réponses à toutes ces questions et bien plus encore, se trouvent dans le parcours criminel et tortueux du génie du mal: Edward Nygma, le Sphinx !
Découvrir

Plus d'articles