La longue carrière de Batman l’a bien souvent conduit face à la mort. Et s’il en a réchappé lui-même in extremis, sa vie a trop souvent été endeuillée par des pertes douloureuses. La carrière de Batman est construite sur le souvenir d’une double mort. Enfant, Bruce Wayne a assisté à l’assassinat de ses parents, abattu sous ses yeux au sortir du cinéma Monarch, dans une ruelle sombre de Gotham City. Traumatisé, l’enfant a décidé de consacrer son existence à la lutte contre la criminalité. C’est dans ce but qu’il a étudié la criminologie et les arts martiaux, afin d’aiguiser son esprit et son corps dans sa mission.
Souvenir douloureux
À de nombreuses reprises, les scénaristes ont fait dire au personnage, ou à d’autres héros de son entourage, que la principale motivation de Batman est d’éviter à d’autres citoyens, et surtout à d’autres enfants, le drame dont il a souffert dans ses jeunes années. Le souvenir de ses parents défunts sert de socle au personnage. C’est dans le manoir vide de toute présence qu’il aperçoit la chauve-souris lui donnant l’idée de se déguiser pour effrayer les voyous. C’est également à Crime Alley qu’il laisse tous les ans deux roses, à l’endroit où ses parents ont été abattus. Bruce Wayne donne donc l’impression de vivre dans un passé perpétuel, qu’il entretient. Ses victoires sur les malfaiteurs lui donnent la conviction que sa croisade est juste et qu’il a fait le bon choix. De même, la présence de Robin à ses côtés lui apporte du baume au coeur : la présence d’un jeune garçon souriant et plein d’humour met de la lumière dans un univers plein de grisaille.
La mort de Jason
La mort de Jason Pourtant, c’est justement le sort d’un des Robin qui va faire replonger Batman dans un monde de noirceur. Capturé par le Joker, Jason Todd, le deuxième Robin en titre, est torturé puis finalement abattu par le Clown du Crime. L’histoire est racontée par Jim STARLIN et Jim APARO dans Batman #426 à 429, publiés entre décembre 1988 et janvier 1989, sous des couvertures de Mike MIGNOLA (à lire en français dans Batman : Un Deuil dans la famille).
Pour la petite histoire, le sort de Robin a été placé entre les mains des lecteurs. Ces derniers étaient invités à voter, en utilisant un numéro de téléphone. Des votes « contre » l’ont emporté d’une courte tête, et le destin de Jason a été scellé. Après le décès du jeune homme, Jim STARLIN rédige un dernier épisode dans lequel le Chevalier Noir arpente les rues de Gotham, muet, les yeux vides, faisant régner une justice silencieuse, mutique. Le Commissaire Gordon ne s’y trompe pas, et il comprend très vite que l’absence de Robin est liée à l’étrange comportement mécanique du protecteur de Gotham. Il faudra à Batman de longues années pour se remettre de la disparition de Jason.
Même dans le futur décrit par Frank MILLER dans Dark Knight Returns (1986), le fantôme du jeune homme est toujours présent. La présence d’un troisième Robin, Tim Drake, aidera beaucoup Batman à reprendre goût à la vie et à aborder sa croisade avec plus d’optimisme. Là encore, le justicier juvénile au costume coloré intervient comme une bouffée d’oxygène dans une Gotham City oppressante.
Le Joker frappe toujours deux fois
La menace d’une mort tragique pèse constamment sur les gens qui font profession de super-héros. Ainsi, récemment, le Joker a frappé la « Famille Batman » en plein coeur. Faisant croire aux alliés de Batman que ce dernier tenait un registre de tous leurs secrets, le Joker s’est ingénié à les dresser les uns contre les autres, de sorte qu’ils se retournent contre Batman. Il les frappe tous séparément, les torture et les pousse dans leurs retranchements, faisant naître la méfiance et la paranoïa chez eux (à lire dans Batman Saga #15 à 19). Bien entendu, la crainte de Bruce Wayne est que le Clown du Crime s’en prenne directement à l’un des siens. Il parvient in extremis à sauver le Commissaire Gordon, empoisonné par le Joker, mais Alfred a été capturé. Le Joker parviendra t- il a pénétrer dans la Bat-Cave ? Et à rééditer le sinistre exploit de tuer un être cher ?
Le destin frappe
Bien entendu, c’est toujours là où l’on s’y attend le moins que frappe le malheur. Les pires craintes de Batman se sont réalisées à Gotham City, et non au fond de la Bat- Cave. Et ce n’est pas le Joker qui en est la cause, mais les hommes de main, les enfants guerriers monstrueux fabriqués par la femme qu’il a autrefois aimée, Talia al Ghul. La guerre sans merci que se livrent les deux anciens amants a réclamé un terrible prix, et laissé Batman dans un monde vidé de toute signification. Les premiers pas dans la carrière se sont faits, pour Batman, dans l’ombre de ses parents morts. Et plus que jamais, le souvenir des disparus lui sert de moteur pour avancer dans la vie. Effondré par le chagrin, il a plus que jamais une mission à remplir. Et à perpétuer.