Si THE FINAL NIGHT est un crossover touchant l’ensemble des personnages de DC, il est le plus souvent associé au personnage de Hal Jordan. L’événement est en effet une étape cruciale qui intervient dans l’histoire mouvementée d’un personnage parmi les plus connus et préféré des lecteurs.
Dans l’esprit de nombreux lecteurs, Hal Jordan reste LE véritable Green Lantern. S’il partage ce patronyme avec pléthore de personnages emblématiques comme Alan Scott, John Stewart ou encore Guy Gardner, Hal Jordan persiste malgré tout à maintenir sa place sur le devant de la scène. Son histoire est pourtant semée d’embûches, qui ont bien failli lui coûter sa place dans le panthéon de l’Univers DC.
Le personnage de Green Lantern apparaît pour la première fois en 1940, sous l’impulsion de Martin NODELL et de Bill FINGER, dans les pages d’All-American Comics #16.
Il porte alors le nom d’Alan Scott, et arbore déjà les premiers éléments qui constitueront la mythologie du Chevalier d’Émeraude : un anneau magique lui accordant des pouvoirs hors du commun, dont la construction de structures faites de lumière verte. Si le personnage jouit d’une certaine popularité pendant la Seconde Guerre mondiale, elle décline rapidement, et le personnage disparaît en 1949…
Mais le succès de la série The Flash en 1956, réinvention du super-héros éponyme sous les traits d’un héros plus jeune, Barry Allen, inspire Julius SCHWARTZ, alors éditeur chez DC. Amateur de science-fiction, il propose à John BROOME et Gil KANE de concevoir une nouvelle version plus contemporaine de la Lanterne : Hal Jordan, pilote d’avion de chasse devenu malgré lui un membre d’une police intergalactique. Ce nouveau Green Lantern incarne à sa façon l’entrée dans l’Âge d’Argent des comics, dessinant un tout nouveau pan de la mythologie cosmique de DC. Désormais figure de proue de l’éditeur, ses apparitions se multiplient dans les publications, figurant même en couverture de The Brave and the Bold #28, dans la première aventure de la Ligue de Justice d’Amérique.
Si les années 1970 sont déjà l’occasion d’offrir une dimension plus sociale et sérieuse au personnage sous la plume de Dennis O’NEIL, accompagné de Neal ADAMS dans la série GREEN LANTERN & GREEN ARROW, les années 1980 marquent plus nettement encore une rupture dans la tonalité des comics.
Alors que la complexité de la continuité rend les récits de super-héros de moins en moins accessibles aux yeux du grand public, le marché est frappé par de nombreux changements. L’âge moyen du lectorat continue de grimper en flèche, tandis que plusieurs maisons d’édition font faillite. Autant de signes alertant sur un besoin urgent de changement. La solution de DC est radicale : un reboot partiel de l’univers au cours de la série CRISIS ON INFINITE EARTHS, publiée en 1985.
Le récit est un succès, n’hésitant pas à prendre des décisions radicales en illustrant la mort de Supergirl et Flash, deux héros pourtant appréciés. Alors que l’Univers DC repart vers une nouvelle ère, il ouvre, sans le savoir, ce qui est souvent qualifié d’Âge Moderne des comics, aussi connu sous le nom d’Âge Sombre.
Les effets se font vite ressentir avec l’apparition d’anti-héros plus violents comme le Punisher et le succès de récits plus matures comme le Daredevil de Frank MILLER chez Marvel, ou THE DARK KNIGHT RETURNS et WATCHMEN chez DC. Une époque plus sombre qui se caractérise plus généralement par une volonté de faire chuter les idoles. Les années 1990 verront ainsi se succéder la MORT DE SUPERMAN et BATMAN KNIGHTFALL, deux récits majeurs annonçant respectivement la défaite de l’Homme d’Acier et du Chevalier Noir entre les mains de nouveaux ennemis plus menaçants que jamais…
Green Lantern n’est pas épargné par cette tempête éditoriale. Dans les pages de LA MORT DE SUPERMAN, le despote Mongul et Cyborg Superman s’allient et détruisent Coast City, la ville d’origine d’Hal Jordan, entraînant la mort de ses sept millions d’habitants. En 1994, la chute du héros est actée dans GREEN LANTERN – EMERALD TWILIGHT. Alors qu’il tente d’utiliser son anneau de pouvoir pour reconstruire la ville, Hal Jordan est arrêté par les Gardiens, au prétexte que son utilisation ne doit jamais servir des motifs personnels. Enragé par le comportement de ses supérieurs et rongé par le deuil, Hal Jordan est brisé.
Il fonce sur la planète d’origine du Corps des Green Lantern et élimine tous ceux qui se dressent sur son chemin, alliés comme ennemis. Alors que les victimes s’amoncellent, il parvient finalement à absorber le pouvoir de la Batterie centrale des Lantern, renonçant à son passé pour devenir Parallax. Sur Terre, Kyle Rayner, jeune artiste sans histoire, est désigné pour devenir l’ultime Green Lantern, amené à affronter son prédécesseur…
Après près de quarante ans d’héroïsme, Hal Jordan devient donc subitement un vilain, affrontant ses anciens alliés de la Ligue de Justice, et allant jusqu’à devenir l’antagoniste principal de l’événement Zero Hour: Crisis in Time au cours duquel il essaie de réécrire l’histoire de l’Univers DC…
Plus qu’un simple récit, la chute de Jordan incarne un changement majeur dans la place des comic books au sein de la pop culture, comme un véritable passage de flambeau vers une nouvelle génération de héros, et de récit. Le passage d’Hal Jordan du côté obscur est parfois regretté par les lecteurs de longue date, perçu comme l’arrivée fracassante d’un cynisme et d’une noirceur dans un univers autrefois plus lumineux et optimiste.
Aussi, et sans divulgâcher les pages à suivre, THE FINAL NIGHT survient fin 1996 comme un O.V.N.I. dans un programme éditorial toujours aussi sombre. Le récit surprend par sa forme, véritable baroud d’honneur pour Hal Jordan, hommage à un personnage à l’histoire entachée et plus largement un rappel profondément optimiste sur la nature de l’héroïsme. Une manière de rappeler que, peu importe les pérégrinations éditoriales, les super-héros incarneront toujours l’espoir dans le monde, et ce « en plein jour ou dans la nuit noire ». Si le personnage a depuis été réhabilité dans les pages de la mini-série Day of Judgement, puis dans le désormais classique GREEN LANTERN RENAISSANCE, scénarisé par Geoff JOHNS, c’est bien cette nuit finale qui a ouvert la possibilité d’un nouveau jour pour Hal Jordan.

Final Night (1996) EN LIBRAIRIE
Lorsqu’une entité cosmique éteint le Soleil, plongeant la Terre dans une nuit glaciale et apocalyptique, les plus grands héros de la Justice League se heurtent à une menace contre laquelle ni la force ni le courage ne suffisent. Alors que l’espoir s’éteint avec la lumière, un homme brisé, Hal Jordan, voit dans ce chaos l’occasion de racheter ses fautes passées.