Pour tous ceux qui connaissent Gotham city, l’asile d’Arkham fait partie des curiosités touristiques inévitables. Cet établissement psychiatrique, où sont soignés les plus psychotiques des malfaiteurs de la ville, a acquis au fil des ans une réputation sulfureuse, et s’inscrit désormais dans le canon batmanien.
Contrairement à ce que l’on serait en droit d’attendre, l’asile d’Arkham ne fait pas partie des fondamentaux de la série. Alors que Batman lui-même est apparu en 1939, l’asile a été inventé par Denny O’Neil et Irv Novick dans Batman #258, en 1974. Pendant plusieurs années, l’Asile fera quelques apparitions. D’abord appelé « Arkham Hospital » ou « Arkham Sanatorium », l’établissement trouvera enfin un nom fixe, « Arkham Asylum », grâce au scénariste Len Wein, dans Batman #326, en 1980. C’est également Len Wein qui situera précisément l’asile dans la périphérie de Gotham, et c’est lui aussi qui écrira l’histoire de l’institution dans le Who’s Who in the DC Universe de 1985. Bref, grâce à Wein, les fondations sont posées. Arkham ne désigne pas une ville ou un lieu-dit, mais une famille. Le nom complet de l’établissement est « Elizabeth Arkham Asylum for Criminally Insane », que l’on peut traduire par « asile pour les fous criminels Elizabeth Arkham ». Elizabeth était la mère du fondateur de l’endroit, Amadeus Arkham qui, après l’avoir vue sombrer dans la démence, a décidé de consacrer sa vie à étudier et guérir les diverses formes de folie. Un malheur n’arrivant jamais seul, Amadeus a un jour découvert sa femme et sa fille assassinées par « chien fou » Hawkins, un tueur dément. Contre toute attente, le thérapeute décide d’accueillir Hawkins dans son établissement.
C’est sur ces bases que Grant Morrison rédige Arkham Asylum: A Serious House on Serious Earth, publié en octobre 1989. Dans ce récit, Batman pénètre dans l’asile où les patients ont pris le personnel soignant en otage. Dans une suite de flash-back, le récit nous apprend le sort d’Amadeus Arkham, qui devient lentement fou et imprègne les lieux de sa démence, et de Hawkins, devenu le cobaye des méthodes les plus violentes d’Arkham, qui tient ainsi sa vengeance sur le criminel.
La folie est une affaire de famille, puisque le petit-neveu d’Amadeus, Jeremiah Arkham, est à son tour frappé de démence. Il apparaît comme directeur de l’asile dans le récit « Le Dernier Arkham », publié dans les quatre premiers numéros de la série Shadow of the Bat, en 1992. Le scénariste Alan Grant et le dessinateur Norm Breyfogle montrent comment Batman mène l’enquête à l’intérieur de l’établissement et expose les méthodes peu orthodoxes du nouveau directeur.
L’asile d’Arkham semble de lui-même générer la folie qu’il est pourtant censé endiguer, comme vous allez le découvrir à travers la mésaventure de Warren White. C’est un fait désormais établi : l’asile rend fou. Déjà en 1980, dans Batman #326-327, le professeur Milo prend la direction de l’établissement, mais après une confrontation avec le justicier, il perd la raison au milieu des patients. Aussi, le passage des vilains à Arkham n’améliore jamais leur situation. Pire, la folie guette aussi le personnel soignant. À titre d’exemple, Harleen Quinzel, interne en psychiatrie, a été séduite par le Joker avant de devenir Harley Quinn, personnage popularisé en partie par le dessin animé Batman des années 1990. L’asile a été rasé et reconstruit plusieurs fois. Durant la saga de « Batman: Battle for the Cowl » (2009), Black Mask a fait exploser le bâtiment. Sous le visage grimaçant de Black Mask se cachait en réalité le docteur Jeremiah Arkham, écrasé par la folie. Depuis lors, l’asile, qui avait déjà subi des dégâts profonds lors du tremblement de terre qui a précédé la saga du « No Man’s Land », a été reconstruit. On pourrait croire que ces multiples réfections auraient permis d’effacer les pires aspects du site. Il n’en est rien, l’asile porte à jamais les traces de la folie et de la sorcellerie, comme un témoignage atemporel de la vie de Gotham. Et d’ailleurs, les scénaristes s’intéressent de près au passé de l’institution, qui fait désormais partie du paysage. Et aux hommes qui ont laissé leurs noms sur les façades les plus célèbres de la région. Ainsi, dans la série All-Star Western, les scénaristes Jimmy Palmiotti et Justin Gray et le dessinateur Moritat associent deux personnages que tout sépare : l’aventurier de l’Ouest et ancien sudiste Jonah Hex et le jeune et encore fringuant psychiatre Amadeus Arkham, pas encore touché par la démence. Ensemble, ils enquêtent sur des assassinats de prostituées dans les quartiers chauds et se heurtent aux notables en place dans la Gotham des années 1880. La confrontation entre les deux personnages fait tout le sel de l’intrigue et offre aux lecteurs des dialogues savoureux. Présent dans les comic books depuis presque quarante ans, l’asile d’Arkham est désormais un passage obligé pour tout lecteur de Batman. Toujours fascinants, le lieu et son personnel sont régulièrement l’occasion de nouveaux récits. Nul doute que la noble institution réserve encore bien des surprises à Batman et à ses alliés.
Pour aller plus loin…
Les patients de l’asile d’Arkham se sont échappés de leurs cellules et tiennent le personnel de l’institut en otages. Leur unique requête en échange de la libération des prisonniers: que Batman pénètre dans l’asile et endure leur enfer quotidien.
Persuadés que la place d’un homme habillé en chauve-souris est obligatoirement avec eux, les patients réservent à leur hôte une expérience qui le marquera longtemps.