En japonais, le terme chibi (ちび) désigne une personne, un enfant ou même un animal dont la petite taille lui confère un caractère mignon. Rentré dans le champ lexical du manga, il définit la miniaturisation graphique d’un personnage (traits simplifiés, tête grossie), dans l’optique de le rendre adorable ou de lui donner un aspect enfantin. Or, de tous les super-héros…

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de l’Univers DC, c’est Batman, ce justicier sombre, torturé et solennel, faisant régner la loi dans une ville à son image, que Dustin NGUYEN a décidé de représenter sous cette forme si particulière.

 

Un exercice de style plus qu’antinomique qui sied parfaitement à cet illustrateur au parcours et à la palette protéiformes. NGUYEN débute dans les années 2000 sur des séries-phares du label Wildstorm (GEN-ACTIVE avec Dan ABNETT, Wildcats Version 3.0 aux côtés de Joe CASEY ou encore The Authority en compagnie d’Ed BRUBAKER). Sur les pas de ses prédécesseurs, son trait adopte la précision de Jim LEE tout autant que la rondeur de Frank QUITELY.

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En 2004, NGUYEN fait un premier pas dans le monde de Batman et en devient rapidement l’un des artistes réguliers (Superman/Batman avec Alan BURNETT, Detective Comics et Batman: Streets of Gotham avec Paul DINI), troquant les univers technocratiques et les super-héros génétiquement modifiés pour les rues obscures et tortueuses de Gotham. L’artiste y développe des ombres plus appuyées, des expressions de visages moins « cartoonesques » et davantage empreintes de la gravité qui caractérise si bien le Chevalier Noir et sa ville.

C’est à cette époque qu’il commence à griffonner des versions chibi de Batman, de Robin et d’autres personnages issus de la mythologie gothamienne. Ce qui ressemble alors à un passe temps d’illustrateur attise la curiosité de DC Comics qui, en 2012, accepte de dédier à ces petites créatures une série au format numérique. Celle-ci, appuyée par le style si particulier de NGUYEN ainsi que par l’humour de l’encreur et scénariste Derek FRIDOLFS, connaît un véritable succès, amenant LITTLE GOTHAM à finalement bénéficier d’une version papier en 24 épisodes. Ainsi, c’est au fl du calendrier des fêtes américaines – particulier dans sa manière d’allier les célébrations religieuses occidentales aux traditions issues de la diversité culturelle qui caractérise ce pays – que l’on découvre les aventures de cette étrange Gotham, si reconnaissable et pourtant si différente.

Mais réduire ce titre à son style ou à son ton reviendrait à dire que le Joker n’est rien d’autre qu’un bouffon comique. Derrière chaque pose, chaque décor, chaque jeu de mots se cache une profondeur référentielle, un réseau subtil de sous-texte développé par deux auteurs dont le plaisir se lie à la connaissance de l’univers qu’ils dépeignent : un Batman emplâtré rappelle les douloureux événements de l’arc Knightfall, une chapka devient une référence à Superman: Red Son, l’œuvre de Mark MILLAR et Dave JOHNSON, une simple silhouette poussant un landau rend hommage au Lone Wolf and Cub de KOIKE et KOJIMA et un fash-back montrant un jeune Alfred s’adresse immanquablement aux amateurs de la série télévisée Le Frelon vert…

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Certains de ces clins d’œil ont une valeur plus intime, comme le montre le choix des costumes « pré-Renaissance » de Nightwing, Red Robin ou Red Hood, ou encore la présence de Colin/Abuse, deux éléments propres au run de NGUYEN et Paul DINI sur le Batverse. D’autres prennent littéralement la forme d’hommages, comme c’est le cas pour les nombreux renvois à Batman : La Série animée de Bruce TIMM et Paul DINI, l’une des inspirations les plus citées par l’illustrateur. Une Gotham peut assurément en cacher une autre, et c’est sans doute le message premier de LITTLE GOTHAM, présentant par là même toute la richesse de l’Univers DC et plus particulièrement celui de Batman, capable insuffler la vie à des personnages et des histoires dont la marque reste imprimée dans notre imaginaire collectif, et ce à travers autant de variations et d’interprétations, tel un Bat-signal sur les nuages menaçants de Gotham. Ainsi, ne vous laissez pas méprendre par cette série. Derrière la légèreté d’un dialogue, sous les merveilleux paysages aquarellés qui constituent son récit, se trouve un monde aussi mignon que puissant, aussi drôle qu’intelligent. En d’autres termes : « Pas mal pour ce qui ressemble à un comic book pour enfants. »

Non ?

 

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Découvrir Little Gotham

Qu’il s’agisse d’une apparition surprise du Pingouin à la parade de Thanksgiving ou du Chapelier Fou qui organise pour Pâques une chasse aux oeufs des plus explosives, il est évident que pour Batman et ses fidèles compagnons, jour férié ne rime pas avec congé… Entièrement réalisé à l’aquarelle, le style unique de Dustin NGUYEN (BATMAN, JUSTICE LEAGUE BEYOND) plaira au plus grand nombre. Noël à Gotham, vous en êtes ?

 

 

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