Brian K. Vaughan est un magicien. Je le sais parce que je lui ai demandé dans un e-mail : « As-tu été un jour magicien ? », et qu’il m’a répondu : « Oui ». Mais Vaughan n’est pas un magicien classique.
Vous voyez, le magicien classique, c’est le genre qu’on trouve à un goûter d’anniversaire. Il fait se produire quelque chose… la pièce sort de votre oreille – ta da ! – et il compte sur cet instant de surprise pour vous divertir.

 

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Image tirée de Ex Machina

 

Mais les meilleurs magiciens… la crème de la crème… commencent par une promesse. Ils vous disent exactement ce que sera le tour… je vais scier cette femme en deux… puis ils vous demandent… ils vous défient… d’observer pour comprendre comment cela va se produire. Pour faire simple, ils commencent par la fin. Ils vous décrivent le clou du spectacle dès le début. Comme une promesse. Ce qui m’amène à EX MACHINA.

Voyez ce que l’Incroyable Vaughan fait dès la toute première page. On ne commence pas par le début. On ne fait pas la connaissance d’un Mitchell enfant, avant de le voir grandir et apprendre. On le rencontre à la fin. EX MACHINA s’ouvre sur sa confession… peut-être est-ce pour s’excuser… du désastre terrible qu’il a provoqué en 2005. Il ne commence pas comme Superman, souriant et sauvant le monde un drapeau américain à la main. Il rumine comme le Roi Lear, et nous dit d’entrée : « Ça ressemble peut-être à un comic-book, mais en réalité c’est une tragédie ». Quel genre de série de super-héros est-ce là ? Simplement l’une des meilleures que j’aie jamais lues. Point. Point d’exclamation.

Au cours de ces premières pages, Brian Vaughan nous donne sa fin. Il nous fait une promesse. Une belle promesse. Il nous dit… il nous jure… que si nous voulons bien l’écouter, il va nous montrer l’un des désastres les plus dévastateurs, les plus horribles, les plus monstrueux que des yeux humains aient jamais vus. Il nous garantit que la personne à laquelle nous allons nous attacher va échouer misérablement. Ça va être une boucherie. Voilà le défi. Sera-t-on capable de détourner le regard ?

 

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Image tirée de Ex Machina

 

Seul un imbécile le ferait.
Seul un imbécile refuserait de s’intéresser à la complexité de l’égo de Mitchell Hundred. Aux nuances de Kremlin et Bradbury, de Maman et de Zeller, de Journal, de Wylie et du reste des personnages secondaires. Sans aucun doute, cette histoire traite de politique. Mais pas seulement gouvernementale. Il s’agit de politique humaine… de notre bataille contre nos propres faiblesses, notre condition.
Et peut-on baver un peu devant Tony HARRIS ? Comme tout lecteur de comics le sait, tout s’effondre sans le dessin. Grâce à Tony HARRIS, ce monde vit. Il respire un air vrai, vole grâce à des jet-packs qui crachent de la vraie fumée d’échappement. Pour moi, le Faucon Millénium a toujours semblé réel parce qu’il était vieux et sale comme un authentique et vieux cheval de guerre. C’est pareil avec le monde de Mitchell Hundred. Grâce à Tony HARRIS, chaque personnage… mineur, majeur, entre les deux… a tous les défauts et les imperfections… que nous avons. C’est pour ça que nous sommes entièrement avec Mitchell Hundred. Et parfois contre lui.

Et donc, le rideau se lève et le spectacle commence, et les promesses s’accumulent. Alors que nous découvrons un tour, VAUGHAN et HARRIS nous en promettent un autre : Que ce soit cette tour encore debout, ou les secrets de la NSA, ou ce qui repose dans le cofre du Maire Hundred. HITCHCOCK le savait mieux que personne : « Il n’y a aucune terreur dans le coup de feu, seulement dans son anticipation ». Relisez : VAUGHAN et HARRIS nous montrent précisément, encore et encore et encore, ce que nous devons regarder. Et encore et encore et encore, nous observons comme des enfants, la tête un peu en arrière, bouche bée tandis que nous attendons la fin, le souffle coupé. Qu’est-ce que j’aime un bon spectacle de magie. En voici un. Les maîtres s’apprêtent à entrer en scène. Alors, trouvez un bon siège. Peu importe où. Au premier rang ou au fond… quand viendra le ta-da… vous n’aurez rien vu venir.

Brad MELTZER
Fort Lauderdale, Floride, 2008

Brad MELTZER est un auteur de thriller, créateur de séries TV et scénariste de comics. Son travail le plus populaire dans ce domaine reste certainement JUSTICE LEAGUE – CRISE D’IDENTITÉ (coll. dc classiques). Il remporta également, aux côtés de Gene HA, L’Eisner Award du meilleur épisode 2008 pour JUSTICE LEAGUE OF AMERICA #11.

 

Fiche de l’ouvrage

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