Crimes et châtiments

 

L’arrêt du strip de presse de Batman n’entraîne pas une perte de créativité dans les comic books, au contraire, les auteurs, comme le tandem Bob KANE / Charles PARIS , qui se perfectionnaient sur les bandes quotidiennes ou les planches de dimanche, rejoignent désormais les revues Batman, Detective Comics et World’s Finest. À ce trio de revues, s’associe Star Spangled Comics qui, dès le numéro 65, accueille Robin, le jeune prodige pour des aventures en solo inédites, surement inspirées par le succès de Superboy, qui fit ses débuts deux ans plus tôt.

 

Catwoman se confectionne un nouveau costume qui perdurera jusque dans les années 1980 (couverture de Win MORTIMER).

 

Ces aventures sont dévolues aux dessinateurs Win MORTIMER et Jim MOONEY, ce dernier est un nouveau venu dans l’univers de Batman puisqu’il a fait ses premières armes sur le dernier numéro de Batman de 1946 (#38). Robin, qui fait équipe depuis 1940 va pouvoir enfin s’extirper de l’ombre de son mentor, même si ce dernier apparaît souvent en vedette invitée. Ce n’est pas la seule excursion du Chevalier Noir, en dehors de ses revues attitrées, puisque dans le numéro d’All Star Comics d’août (#36), Batman comme Superman rejoignent les membres de la Société de Justice d’Amérique pour y résoudre l’affaire fameuse des « 5 noyés », relatée par le scénariste Robert KANIGHER. La SDJ y enquête sur le mystère de cinq hommes d’affaires devenus fous après une noyade dans le lac d’une réserve indienne. De leur côté, les scénaristes Alvin SCHWARTZ, Don CAMERON et Bill FINGER vont multiplier les enquêtes minutieuses et les opérations criminelles de grande envergure que nos héros vont devoir contrecarrer.

Dans ce contexte, le Joker, le Pingouin et Catwoman rivalisent d’inventivité pour élaborer leurs plans machiavéliques. Le Joker est évidemment le plus inventif puisqu’il va harceler le Dynamique Duo en s’inspirant des tubes du hit-parade comme « Smoke gets in your eyes » ou « Old Man River » (Detective Comics #124) ou en construisant une gigantesque maison de jeux mortels (Batman #44). Il imagine également des cambriolages à l’envers (Detective Comics #108) et s’en prend au « club 13 », des notables qui bravent les signes de malchance (Batman #40). Catwoman et le Pingouin, quant à eux, vont chacun s’inspirer de romans pour planifier leurs méfaits respectivement dans Batman #42 et Batman #43. Le Pingouin va également truander un fameux ornithologue pour lui soutirer des oiseaux nécessaires à ses cambriolages (Detective Comics #120) et envoyer des oiseaux en cadeaux à ses futures riches victimes (Batman #41). Catwoman, elle, subtilise des chats errants (Batman #42) et se crée un nouveau costume qui met en valeur son aspect « femme fatale » tout en se servant d’un équipement de plus en plus sophistiqué, tels son fouet, un « chat à neuf queues », ou sa « Kitty Car» (Detective Comics #122). Au fur et à mesure de ces joutes endiablées, les enjeux entre les héros et les criminels ne font que monter. Mais les truands « normaux » ne sont pas en reste et lancent une multitude de défis aux héros. Ainsi, un quatuor de menaces du passé surgissent dans le présent, lorsque Billy the Kid, Gengis Khan, Barbe Noire et John DILLINGER prennent la tête d’une vague de crimes à Gotham (Batman #43), et plus étonnant, dans Detective Comics #119, ce sont les pères fondateurs de la nation, dont Abraham LINCOLN et George WASHINGTON, qui organisent des hold-ups.

 

Aux grands maux, les grands remèdes : la pègre utilise désormais des robots tueurs contre le Duo Dynamique (scénario de Bill FINGER, dessin de Charles PARIS).

 

Une autre figure du passé, plus personnelle celle-ci, ressurgit dans Batman #44, quand Bruce Wayne enquête sur son ancêtre du 18e siècle, Silas, accusé d’être un bandit de grand chemin. Et il faudra non seulement l’aide du Dr Nichols et sa machine à voyager dans le temps, mais également celle de Benjamin Franklin, pour restaurer l’honneur perdu des Wayne !

Un trio d’épisodes a également une valeur symbolique : « The Penny Plunderers » par exemple, donnera lieu à l’apparition de la pièce géante, devenue un élément essentiel de la Batcave (World’s Finest #90). Ensuite, un épisode nous annonce la mort de Bruce Wayne, et son remplacement par un certain « Bill Randall » en tant que Batman II (Batman #40). Puis, le commissaire Gordon se retrouve rétrogradé dans Detective Comics #121, dans un épisode dessiné par Howard SHERMAN, qui signa les aventures du Docteur Fate. Une case marquera l’esprit lorsque le Bat-Signal se retrouvera brisé à coups de hache par un policier : une scène reprise dans The Dark Knight de Christopher NOLAN en 2008. L’épisode sera également cité par Grant MORRISON dans les prémices de Batman R.I.P. (Grant Morrison présente Batman Tome 2). Enfin, les plus épatantes histoires de l’année sont dues, une fois encore, au scénariste Bill FINGER. Il signe notamment le mystère de la « Boîte » une histoire de vengeance implacable qui voit plusieurs gangsters périr les uns après les autres, victimes d’une « malédiction » planifiée de longue date (Detective Comics #130). C’est encore FINGER qui relate les braquages par des Robots contrôlés à distance par de vieux gangsters (Batman #42) ou la prise d’otages palpitante d’un métro (Batman #43). Des scénarios d’une redoutable efficacité qui imposent définitivement un style à la série, entre polar réaliste et gigantisme fantaisiste.

 

 

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